Je suis une légende (Francis Lawrence -déc07)
Mêlant le
suspense à lépouvante, Je suis une
légende pêche beaucoup trop par son manque de force suggestive. On reste
donc dans une sorte de survival horror
de luxe, un trois étoiles même. En aucun cas ses moments de drame, démotion ne
sont utilisés avec profondeur par le scénario. Cela reste trop américain, en
clair. En dire trop par moment, échouer dans la suggestion dans dautres. Entre
les deux, une intrigue qui se suit bien. Trop bien peut être. Pour la
performance dacteur de Will Smith, on repassera !
Pitch
il y a trois ans, une épidémie a décimé une partie de la
population mondiale en commençant par Manhattan. Le virus KV, développé en
laboratoire pour soigner le cancer, est devenu incontrôlable. Il a tué 91% de
la race humaine. Sur les 9% restants, 8% vivent avec le virus et sont devenus
dépendants du sang frais. Des cannibales, en clair. Seulement 1% des hommes
sont immunisés. Au premier desquels, Robert Neville, scientifique qui se bat
contre lui-même, contre ses peurs et son isolement forcé, pour tester et
trouver le bon sérum (Will Smith).
Robert Matheson, 1954
Ce film est tiré du
roman de Robert Matheson, 1954. Incroyables retournements de scénario
que subirent les adaptations ciné de ce roman. En 1964, Le Dernier homme sur terre (Italie) navait pas été
fidèle aux souhaits de Robert Matheson, alors actif à lécriture du scénario. Le Survivant de Boris Sagal,
avec Charlton Heston, sy colle à son tour en 1971, mais nest pas fidèle non
plus. Rester fidèle au roman était impossible matériellement. Cette histoire de
dernier survivant sur terre est vendeuse. Ridley Scott tente lexpérience au
début des années 90. Projet étudié mais abandonné en 1997. Le budget atteignait
alors 108 millions de dollars. Impensable pour lépoque ! Alors ?
Impossible dadapter Robert Matheson ?
Un projet vieux de quinze ans
Lidée dun virus
ravageant lespèce humaine est en 1954, typiquement SF (science-fiction). On en
connaissait rien de tels virus capables de faire muter les cellules de lhomme.
Le virus qui tue, oui, type peste, mais en aucun cas ceux déréglant lorganisme
tout en maintenant la vie. Cest lépoque des comics qui naissait, 1954. Ce quon
osait faire en bande dessinée, était fait dans lunique cadre de la Guerre
froide : créer le héros national parfait, US, capable dassocier sous son
costume toutes les valeurs morales nord-américaines. Du coup, on en faisait des
tonnes ! Francis Lawrence marche donc sur des ufs ! Et il
marche sur des ufs pendant près de 15 ans. Un projet mis au placard, puis
repris. A lheure actuelle, on parlerait plutôt dun film fantastique, plutôt
que de SF. Lhomme est livré à lui-même. « Aujourdhui on en sait plus sur les virus, sur ce
que ça pourrait engendrer dans une grande ville comme New-York. On a une
meilleure compréhension des procédures durgence, des traitements médicaux, de
la quarantaine
», précise Francis Lawrence, réalisateur de Constantine (2005, avec Keanu
Reeves).
George Romero reste le maître
Linformatique qui vole
au secours de tout ! Le maquillage et les costumes ne plaisent pas à
Lawrence. Tournage trop dur. On place alors des avatars numériques au devant de
Will Smith : des êtres à demi nus, sans cheveux, et surtout :
assoiffés de sang et lourdingues ! Ça
va encore mais on sent constamment la patte informatique dans tout cela, là où
les chef duvres de George A.Romero sublimaient lart du maquillage et du
costume. Romero sétait dailleurs servi du roman de Robert Matheson pour
pondre son horrifique La Nuit des
morts vivants. Première déception : cette surdose de numérique
et de fond bleu.
Quelle attente !
Un tel scénario dapocalypse ! Will Smith, ce virologue seul au monde, devant tout faire pour
éviter un armageddon (http://fr.wikipedia.org/wiki/Armageddon).
Dans ce combat final, il pense avoir la solution. Le sérum. Au prix dun combat
contre lui-même. Quon imagine aisément avec un homme aussi seul, perdu en
plein Manhattan. Le problème est que le profil psychologique de ce personnage
esseulé mentalement, est très, très mal développé. Le spectateur reste avec le
goût amer davoir encore vu cette espèce dhéros national américain, limite trop
solide, trop bien dans ses baskets pour quon lui prête la quelconque once démotion.
Un raté majeur là encore, pour un scénario qui se voulait complet, tutoyant daprès
Francis Lawrence et Will Smith lui-même toutes les variantes.
Je suis une légende
surfe sur plusieurs vagues. Aucune nest exploitée correctement. Le tout donne
un film à grand spectacle, à sueurs froides. On ne peut le qualifier comme bon
que dans la seule catégorie de film daction. Pour son côté thriller, il manque
un vrai profil dépressif au rôle titre (personnage principal). Pour son côté
émotion, il manque cette force suggestive et cette caméra léché qui en aurait
dit long sur la détresse du personnage. Détresse se résumant malheureusement à
des pleurs et des sanglots devant un mannequin de cire : « Jai
promis à mon pote que je vous dirai bonjour aujourdhui [lance Will Smith à un
mannequin de cire]. Pourriez-vous me répondre ? Répondez-moi !
Répondez-moi ! [et là : sanglot et trémolos dans la voix] ». La seule fois où il craque. Will Smith,
quoi quon en dise, na pas trouvé là son rôle phare. Il manque une certaine
palette dacting. Que le scénario et le montage nont peut être pas permis de sépanouir
ici même. A moins que Will Smith nait jamais eu létoffe de son ambition ?
Il reste à ce film une
tension nerveuse de bonne facture. Un judicieux maintien de laction malgré cet
éparpillement entre différents genres cinématographiques. Le cocktail
obscurité-cannibale est détonant ! A voir au cinéma sinon rien !
Note Action :):):):(
Note thriller :):):(:(
Note Drame :):(:(:(
Note générale : cf ci-dessous