Le Dernier des Mohicans (Michael Mann -1992)
Fenimore
Cooper avait écrit cette histoire en 1826, Michael Mann la
ressortait des tiroirs en 1992, osant ce que d'autres avaient maintes
et maintes fois essayé : rendre compte au cinéma d'un rare et
puissant souffle romanesque.
Pitch
En 1757 dans l'Etat de New York, alors que la guerre fait rage entre Français et Anglais pour l'appropriation des territoires indiens, un jeune officier anglais, Duncan Heyward, est chargé de conduire deux surs Cora et Alice Munro jusqu'à leur père. Ils sont sauvés d'une embuscade par Hawkeye, un frontalier d'origine européenne, élevé par le Mohican Chingachgook et son fils Uncas. Les trois hommes acceptent d'escorter les deux jeunes filles jusqu'à leur destination.
Le
Dernier des Mohicans est surpuissant en émotions, car il plonge le
spectateur dans un « ailleurs » dans lequel seul l'amour
reste la branche sur laquelle s'accrocher. Monde de brutalité,
d'impérialisme, le Nouveau Monde que se partagent les
« conquistadors » modernes, Français et Anglais, semble
ne pouvoir pencher pour l'un ou l'autre qu'avec les Indiens. Mais
aussi fatalement à leur détriment. Esseulant le spectateur parmi un
monde de conquérants bestiaux et avides, et des autochtones Indiens
qui nous semblent étrangers, Le Dernier des Mohicans parvient à
transporter et enivrer de joies primaires et de sentiments premiers.
Tel un retour à ce qui nous fait respirer, ce long-métrage abat
toutes nos habitudes superficielles de vie, pour nous importer dans
un univers formidablement autonome, dans lequel on cherche des points
d'attache...qui se dérobent : entre la guerre, la mort et le peu de
valeur donné à l'homme, choisissez votre camp !
La raison de la guerre semble de loin la plus forte, elle est même parvenue à faire du chef de la tribu Huron l'Antéchrist de l'homme blanc, tellement il a vu la mort de près par leur faute. Les militaires blancs ont leur conception du monde, qu'ils se doivent d'imposer en écrasant un autre blanc, tout en se jouant des autochtones qu'ils méprisent profondément. Au milieu de ces bêtes humaines va se dresser dans un retentissant coup de foudre, l'amour d'un homme et d'une femme dont rien n'aurait jamais pu permettre une telle union. Et pourtant si. Alors il faut y croire, c'est la seule réalité que nous acceptons dans ce monde déplorable-la.
Michael
Mann, superbement secondé par un Daniel Day-Lewis endurci par
l'Indien et une Madeleine Stowe qui constate la violence de ses pairs
britanniques, réussit alors le tour de force de coller à la petite
histoire dans la Grande, celle de Cooper, en rétrécissant
progressivement le champ depuis le désastre humain de la guerre
entre Français et Anglais jusqu'à la résistance ultime de deux
êtres unis par l'amour. Alors on tente d'y croire, de croire en eux,
en leur magnifique force qui pourtant paraît bien maigre face à
l'effroi local, mais on se doit d'y croire...parce qu'au-delà : il
n'y a rien.
C'est
l'épopée du dernier du peuple Mohican, qui se noie dans l'amour
d'un fils adoptif qu'il chérie autant que celui-ci chérie cette
femme qu'un lieutenant anglais force à marier comme il commande ses
troupes coloniales. Quand le souffle romanesque s'allie à une épopée
historique prenante et à une maîtrise technique moderne mais
respectueuse de son sujet (Michael Mann) vous obtenez là, l'expression
d'une sublimation de ce tout ce qui nous fait aimer le cinéma. La
séquence finale, entre orgie martiale et ultime exutoire contre la
haine, arrivera à point nommé pour vous rappeler que vous étiez en
train de passer un vrai moment authentique de cinéma. Dans le fond,
et intellectuellement dit, Le Dernier des Mohicans est un véritable
phénomène paroxysmique en matière d'universalité du sentiment.