Little Miss Sunshine, vu par 4 yeux : Anna et moi !
Troisième volet des duo davis. Avec une cinéphile très calibrée pour le film choisi : Anna, du blog Gointo the movies, qui uvre dans la critique électrique. Son ton de parole franco a convenu parfaitement à ce duo davis : Little Miss Sunshine. Les étincelles de Anna et les circuits électriques en surchauffe de Keruit ? Cest par ici que ça se passe
La face B de ce duo davis : ici !! Quand toute la smala pousse le van, monte en marche et savoure à bord la réussite de lopération, elle découvre que dune situation assez désespérante (ne même pas avoir une bagnole en état de marche) peut découler une dynamique. Les perdants ici ne deviennent pas des gagnants ils découvrent les charmes de labsurde, sorte dalternative salutaire au culte de la réussite (nen déplaise au papa !). Le succès de Little Miss Sunshine, lun des coups de cur public et critique de 2006, a pu en rassurer beaucoup sur létat du cinéma actuel, en donnant la preuve que blockbusters et autres comédies lourdingues peuvent parfois laisser la place à des uvres indépendantes non formatées et anti-conformistes. Il arrive donc parfois que les marginaux du cinéma parviennent à se hisser à un niveau daudience plus quhonorable et à se faire une petite gloire. La performance du film est à son image même, car Little Miss Sunshine, au fond, ne parle que de ça : lhonneur des perdants.
Oui. Un petit film, un petit film indépendant, qui perce peut être pas autant que les autres comédies US, mais qui en tout cas, à rapporter beaucoup plus quil navait coûté au départ. Et lautocritique du système de valeurs US fait vraiment plaisir à voir (que le meilleur gagne). Des rôles assez caricaturaux certes, mais transpirant une certaine authenticité qui fait plaisir (venant des Etats-Unis) !
Little Miss ne déploie pas la structure de bien des comédies américaines, à savoir : le personnage est un loser au départ mais va à la fin du film trouver exactement ce quil veut, et on nous pas resservira une morale convenue du genre « on peut tous sen sortir ». Au contraire, à la fin du film, les Hoover ne vont pas forcément mieux quau début : pensez quils doivent se retaper 3000 km dans un combi qui démarre mal et qui klaxonne à tout va ! De plus, (attention spoilers) le projet de bouquin de papa Hoover est tombé à leau, le grand-père est mort, Dwayne sest rendu compte quil était daltonien etc. etc. Enfin, ce que je veux dire, cest que loriginalité de LMS est quil montre quon peut aussi découvrir, au moins pour un instant, le bonheur dans le chaos le plus total, la force dans la désunion.
Oui. Ils se moquent odieusement dun système qui ne les a pas intégré. En même temps quils montrent quils sen fichent, puisque ce système de valeurs est déchiré par leurs élucubrations osées et rentre-dedans. Cest un système qui avaient fait deux des losers, et contre lequel ils osent, devenant peut être inconsciemment, de vrais gagnants. Encore quils agissent dans le cadre authentique et séduisant dune famille : la complicité et la solidarité faisant deux de vrais gagnants de la vie ! Dans leur cheminement tortueux à plusieurs, et souvent drôle et sincère, ils se redécouvrent
et redécouvrent la vraie valeur de la vie, contre les vents et marées qui avaient faits deux des créatures dun système pernicieux
et superficiel.
Little Miss Sunshine est une merveille de comédie, brillante et décalée, ouverte à tous les publics. En effet, on y constate la présence de tout type dhumour : comique de mots (les répliques inattendues, ironiques, caustiques fusent), comique de caractère (lopposition entre les différents états desprit des personnages), comique de situation (la famille oubliant Olive dans une station essence
), comique de gestes (la danse finale !) etc. Il est difficile de ne pas y trouver son compte. Un film qui va à cent à lheure sans pour autant laisser aucun spectateur sur le côté, à limage du van des Hoover qui risque de rouler encore longtemps sur la route de lanti-conformisme et de labsurde.
Effectivement beaucoup de genres comiques en un seul film ! Prodigieux ! Little Miss est vraiment pour moi le seul type de comédie US susceptible de percer en Europe. Avec son panel de genres comiques, il peut faire rire une salle de cinéma entière. Je me rappelle que quand certains rigolaient dans la salle, dautres prenaient la relève sur la séquence suivante. Et on était effectivement passé dun humour de gestuelle à du quiproquo, sur le coup. Ce qui faisait rire les premiers, faisaient sourire les seconds, mais une alchimie se créait petit à petit dans la salle, parmi les spectateurs. Et la mayonnaise montait, montait
jusquà un fou rire général dans la séquence finale. Car cétait le clou du film et de ses genres comiques : comique burlesque + ironie contre le système qui les a fabriqué + pétage de plomb total, et collectif en plus, avec toute une famille qui se rejoint sur la scène pour proposer un ballet dansant complètement barré !!! Prodigieux !
Le clou du spectacle que ce concours Little Miss Sunshine, littéralement jubilatoire, cest clair. Le spectacle de ce concours de petites miss maquillées et fringuées comme des playmates est assez pathétique, vulgaire voire pervers. Elles se suivent et se ressemblent toutes, et le montage cruel vient les dénoncer comme le reflet dune Amérique conformiste, puritaine et intolérante où chacun doit se plier aux règles, si grotesques soient-elles. Heureusement, les Hoover viendront tenter de faire respirer un peu cette mini-société étriquée et coincée avec leur petite chorégraphie absolument hilarante. Et ça fait du bien de se défouler en crachant comme cela à la gueule des conventions stupides ! Le film se plie aussi à tous les niveaux dinterprétation, du divertissement pur (lhumour est présent à chaque instant) au propos subtil sur la société contemporaine, et cest pourquoi il pourra être apprécié par tous. Quasiment toutes les situations, toutes les répliques se prêtent à une double, triple ou quadruple perception.
Tout à fait daccord : une comédie que lon comprend comme bon il nous semble. Mais suffisamment légère pour rassembler un max de monde sur un même fond, sur un même fond didées. Car là où les Jim Carrey ou Will Ferrell jouent de pathétiques personnages dont on veut se moquer ouvertement sans scrupules, cette famille Hoover touche beaucoup plus la France ou lEurope de par son traitement dune famille américaine. La famille qui est en Europe une valeur à elle toute seule, et la source de bien des tabous qui font rire lorsquils se voient tordre le cou dans un tel film !
Pour un exemple parmi dautres : le burlesque épisode durant lequel toute la famille sapplique à faire passer le corps du grand-père décédé par la fenêtre de lhôpital. Au premier abord principalement destinée à leffet comique, cette scène témoigne aussi de la solidarité retrouvée par le clan Hoover, qui se rassemble dans lhommage au grand-père. Une lecture plus subtile peut envisager ce passage comme une critique des conventions entourant la mort dans nos sociétés, le cadavre étant considéré comme un objet quasiment intouchable et sacré : voir les Hoover le porter comme nimporte quel paquet arrache un petit rictus dhorreur. Et pourtant, ils ont bien raison de vouloir terminer leur aventure avant de revenir à la tristesse et au deuil qui sont de circonstance. Le film questionne les préjugés et les conventions avec brio.
Cette séquence là mavait définitivement fait dire que le film était vraiment très, très bon ! Ce klaxon resté bloqué, ce flic qui arrête la famille pour cela. Et après quelques secondes on où se dit quils sont vraiment mal, parce quayant le cadavre de leur grand-père dans le coffre, enrobé dans un drap dhôpital, voilà que le flic exige douvrir le coffre. Et comble dabsurdité hilarante : il ne voit rien dautre quun magazine porno, dont il ose faire léloge de la pin up de couverture. Faisant presque un monologue, tout sourire, sur elle, que personne noserait dès lors quil sagit dêtre un flic dans le cadre de ses fonctions, voire de parler ouvertement de sexe, de porno comme il le fait. Et puis senflammer pour ça est totalement nimporte quoi. Ne pas sanctionner la famille et oublier cette contravention, pour la seule raison quelle avait le bon goût davoir un mag porno dans le coffre
et complètement hilarante aussi !
Voilà, pour finir, je dirais simplement que jai rarement vu un film aussi drôle que Little Miss Sunshine, qui parvient à être subtil, décalé, spirituel du début à la fin. Un feel good movie grand public comme on en voit rarement, mais aussi une uvre reflet dune Amérique que lon a peu loccasion de voir au cinéma, cette Amérique qui ignore lindividualisme primaire et le culte rigide et hypocrite de la réussite sans pour autant se réfugier dans la niaiserie. Et ça, ça fait un bien fou !