L'univers de James Bond naît en 1952 avec la première édition de Casino Royale. Il ny a pas de faute dorthographe, rassurez-vous. En fait le « e » soi-disant en trop désigne la ville fictive de Royale-les-Bains. Cet univers est luvre dun seul et même homme, dans les tout débuts tout du moins : Ian Lancaster Fleming. Ce qui est le premier roman James Bond est aussi le dernier James Bond en date au cinéma, dont la sortie France est programmée pour le 22 novembre prochain. Fini Pierce Brosnan, place à Daniel Craig (acteur très en vue dans Layer Cake). Mais ce nest pas tout à fait une première pour Casino Royale puisquil avait déjà été adapté en téléfilm en 1954, le rôle-maître avait été confié à Barry Nelson.
Ian Lancaster Fleming
Il devient journaliste pour lagence Reuter dans les années 1930. Passionné par lécriture il va progressivement sarmer dun univers bien à lui. Cela démarre par son recrutement par lamiral Godfrey comme adjoint à lAmirauté dans le service des renseignements britanniques. Il essaie de trouver le moyen détouffer lempire nazi, ça le turlupine. En 1945 il accepte le poste de directeur des infos pour létranger au Times et au Sunday Times. Il prend soin de demander comme garantie deux mois de congés payés par an. Pour quoi faire me demanderiez-vous ? Pour inventer un personnage de fiction inspiré des services secrets britanniques : James Bond. Il va écrire des romans despionnage bien ficelés mettant lagent 007 aux prises avec un monde hostile, un monde visionnaire de la guerre froide. Ses deux mois de congés par an il les passe à Goldeneye, sa villa jamaïquaine. Mais bien souvent il se servira de ces « vacances » pour parcourir le monde, doù sa fascination pour lexotisme (Inde, Amérique du Sud, etc..). Vous trouverez un condensé de ses voyages dans son recueil « Des villes pour James Bond », édité chez Plon en 1965. Il écrit en continu, sans se relire, parce que selon lui la relecture tourmente linspiration. Mais ce nest pas sans laisser quelques coquilles, quelques bourdes techniques que bien des lecteurs ont signalé. Deux ans après Casino Royale, il finit en 1954 le roman Vivre et laisser mourir, qui restera le plus violent de tous. Il sera adapté dans les années 1970 au cinéma, avec comme rôle principal Roger Moore. Un succès au box-office : 3 139 412 entrées en France. En 1955, il démontre son esprit visionnaire en signant Moonraker et cette histoire de conquête de la Lune pour ensuite faire exploser la Terre. Il avait envisagé la Lune avant que Neil Armstrong ny pose son premier pas de géant. Dès lors, il est reconnu comme un écrivain avant-gardiste, bonifiant son univers dartifices et daction. Un univers inspiré de lespionnage de son temps, mais qui concevra limpensable pour les beaux yeux du public, et indirectement pour les bienfaits du cinéma. A raison dun roman par an, lirlandais Ian Fleming signe Les Diamants sont éternels en 1956, Bons Baisers de Russie en 1957, James Bond contre Dr No en 1958, Goldfinger en 1959, Rien que pour vos yeux en 1960, Opération Tonnerre en 1961, Lespion qui maimait en 1962, Au service secret de sa majesté en 1963, On ne vit que deux fois en 1963, LHomme au pistolet dor en 1964. Il ne pourra finir ce dernier roman, mourant dune crise cardiaque. Il ne verra pas non plus les adaptations cinéma de ses romans franchir la barre des deux millions dentrées France dès 1971, ni le passage des trois millions dentrées France réalisés par les très bons Vivre et laisser mourir (1973), Moonraker (1979), Rien que pour vos yeux (1981) et Goldeneye (1995). Robert Markham prend sa suite, finit LHomme au pistolet dor. Le très productif John Gardner le relève, signant le sanglant Permis de tuer et Goldeneye. Ce dernier fait des allusions à lunivers intime de Ian Fleming, pas seulement par son titre, qui reprend le nom de la villa/muse de Fleming, mais aussi par lambiance de jungle du dernier tiers du film, qui rappelle le cadre dans lequel Fleming écrivait : la Jamaïque.

Les recettes sont simples : un brin dhumour, de laction, des James Bond girls, de la classe, du secret, de lespionnage. Et le pendant noir de James Bond : un méchant mégalomane, charismatique et coriace toujours accompagné dun homme de main dévoué et aux qualités particulièrement meurtrières (Oddjob et son chapeau décapiteur Goldfinger- ou encore le géant Jaws aux mâchoires de fer deux films dont Moonraker-).
A la fin des années 1980 les deux épisodes Tuer nest pas jouer et Permis de tuer rebutent le public attitré, dénonçant un surplus de violence, le côté froid de Thimothy Dalton. Les maisons de production hésitent à remettre le couvert. Jusquà Goldeneye, il y a un trou de 6 ans, tandis quauparavant un James Bond sortait tous les deux ans environ. Pierce Brosnan relance la machine en 1995 avec Goldeneye. Il semble convenir aux fans comme aux novices. La boîte de production retombe sur ses pattes, bien quelle ait déboursée beaucoup en opérations promotionnelles. Je pense que si celui-ci navait pas fonctionné, le clash final serait arrivé, mais ce nest quun avis personnel. Car Goldeneye avait coûté plus de 50 millions de dollars en budget promotionnel. Le risque était grand de se casser pour de bon la figure. Le suivant, Demain ne meurt jamais coûta encore plus : 100 millions en promotion, sajoutant aux 110 millions de dollars dédiés au tournage, cachets des acteurs (trices) et autres. Pour que James Bond marche si bien au cinéma aujourdhui, il lui faut un budget de potentiel blockbuster américain, genre Pearl Harbour. Du sans doute à la floraison envahissante des gadgets en tous genres, et du cachet que peut se permettre de demander lacteur principal. Mais cest surtout du au contexte des James Bond : chaque film doit innover aux yeux de son époque, être le maître des effets visuels, ou des cascades, ou des périls à combattre. Cest pour faire des économies et assurer leurs arrières que les producteurs des James Bond actuels acceptent de montrer autant telle ou telle voiture cylindrée, telle ou telle montre radar, etc. Si la promotion compte beaucoup, lacteur principal compte encore plus, car il assure un bouche à oreille certain, source de succès ou déchec de nimporte quel film, outrepassant le fait quil ait été bien vendu au préalable. Les trois films que je vais citer avaient sensiblement le même budget et sont parus à la même période : On ne vit que deux fois (1967) ; Au service secret de sa majesté (1969) et Les Diamants sont éternels (1971). Le second a été un grand échec avec 64 millions de dollars de recettes pendant que les deux autres dépassaient les 100 millions. Pourquoi ? Cherchez lerreur
. Georges Lazenby incarnait James Bond dans le second, tandis que le Sean Connery charmait ses dames, tuait du méchant dans les deux autres. Une différence de taille !! Au service secret de sa majesté a fait 329 193 entrées France contre plus de deux millions pour Les Diamants sont éternels selon un écart temporel de 2 ans, cest énorme, et ce nest pas la seule machine promotionnelle qui peut jouer sur un tel écart !