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Rien que pour vos yeux (John Glen -1981-)

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FICHE TECHNIQUE JAMESBONDIENNE

Durée : 123 min

Réalisation : John Glen

Casting : Roger Moore (James Bond); Carole Bouquet (Mélina Havelock) ; Lynn-Holly Johnson (Bibi Dahl) ; Julian Glover (Aristotle Kristatos); Cassandra Harris (la comtesse Lisl) ; Chaim Topol (Columbo) ; Desmond Llewelyn (Miss Moneypenny) ; Lois Maxwell ; Charles Dance (Claus) ; Jill Bennett.

 

Production : Albert R. Broccoli, de Eon productions-United Artists

 

Budget : 28 millions $

 

Sortie mondiale : 1981

 

Scénario : Richard Maibaum et Michael G. Wilson

Effets spéciaux : John Evans

Cascades : Bob Simmons et Rémy Julienne

Musique : Bill Conti

Montage : John Grover

Photographie : Alan Hume

 

 

Avant-goût  réalisateur pourtant de 6 James Bond, John Glen ne fait pas des prouesses dans sa mise en scène, de type série B, ni dans son choix de bande-son. John Glen garde tout de même un goût prononcé pour les séquences d’action-cascade, qu’il supervise avec un certain talent au regard de son époque. Et c’est un peu ce qui sauve le tableau général de ce Rien que pour vos yeux, qui tombe certes dans du divertissement d’action-suspense sans intrigue puissante, mais qui divertit…Bon, c’est un peu une nécessité voire un poncif, venant de la saga James Bond…

 

Pitch  un bateau espion du Royaume-Uni, sombre dans les eaux albanaises après avoir heurté une mine, engloutissant avec lui l'ATAC, système top secret de lancement de missiles. Les services secrets britanniques déclenchent une opération sous-marine discrète pour récupérer l'appareil. L'opération est conduite par un couple d'archéologues marins, Timothy et Iona Havelock. Mais le tueur cubain Hector Gonzalès interrompt brutalement les recherches en assassinant le couple sous les yeux de sa fille Mélina. James Bond entre alors en scène et s'en va enquêter, secondé de la séduisante et vengeresse Mélina, sur les liens de Gonzalès avec le système ATAC...

 

Avis  qui ne craquerait pas devant les deux saphirs de Carole Bouquet ? Eh bien ce n’est pas tout. Carole Bouquet est la première JamesBond girl à être le pendant de James, avec une profondeur de rôle jamais atteinte jusqu’alors, en tout cas avant Maud Adams. En France on connaît assez Carole Bouquet pour se demander ce qu’elle pouvait faire dans un James Bond. Car il faut se le dire, ce n’est pas un de ses rôles phares. Un regard, un visage d’ange mûr, une noirceur de cheveux ténébreuse…Carole Bouquet correspondait aux attentes des producteurs, à ceci près qu’elle n’a accepté le rôle que s’il la revêtait d’un statut de femme forte. Alors si c’est un peu tiré par les cheveux parfois, elle tire à l’arbalète, visant dans le mille, elle règle ses comptes personnellement, en vrai agent secret, elle seconde James jusqu’à la fin en résistant à ses avances. Quelques avances ou si peu en fait, car le baiser se fait attendre, et les allusions sont quasi inexistantes. Carle Bouquet a du donc obliger la production à ne pas la soumettre à un dénudement ni à un rôle de femme objet. Tant mieux pour elle, et tant mieux pour l’avenir de la saga, qui verra débarquer après elle des Maud Adams en syndicate du crime organisé, une Michelle Yeoh en agent secret chinois ou encore Eva Green en beauté fatale de tout premier ordre. Passons outre Carole Bouquet et constatons quand même que la première heure est poussive. On tombe parfois dans du surfait, dans de la série B, que les musiques n’aident pas du tout, au contraire. John Glen se permet une petite fantaisie que Belmondo, Lautner et Verneuil ont déjà réussi mieux que lui : une course-poursuite infernale sur terrain escarpé et sinueux. La fantaisie est là tout de même, puisque le montage permet quelques effets de conduite, et que la voiture de James n’est autre qu’une bonne vieille 2CV. Ça paraît tout de même bien kitsch voire ringard aujourd’hui. L’ensemble du film, malheureusement, garde cette niaiserie ambiante, tant musicale qu’au niveau des interprétations et de la mise en scène. Le montage ni fait alors pas grand-chose. Ce qui est mauvais se voit. Alors l’intrigue se tord et se tord à mesure que les amis se dévoilent ennemis. John Glen sert ainsi un déluge de séquences d’action où James Bond est constamment surpris par l’ennemi, où qu’il aille. Pourquoi pas, surtout que c’est assez bien fait.

 John Glen réussit parfaitement certaines séquences comme le traînage du couple Moore/Bouquet par un yacht dans une mer bourrée de requin, et que le moindre accrochage du couple contre les coraux fait gicler du sang qui les attire. Très bien vu. Il y a aussi cette sublime tension autour de l’ascension d’une paroi de 80 mètres par Moore. Un garde aperçoit le coup fourré du haut de la paroi rocheuse et décide de régler son compte à James en descendant en pseudo-rappel. Les prises de vues et le vide sont stupéfiants. C’est un peu quelque chose qui a été copié par Cliffhanger, si vous voyez un peu.. Par contre les plongées sous-marines du couple Bouquet/Moore, outre le plaisir bleuté de réalisme, pille un peu trop le concept « dent de la mer » de Steven Spielberg. Avec même la musique angoissante de circonstance. Mais comme ce n’est pas un requin qui surgit mais un homme portant un scaphandre blindé, on retombe dans le bon-goût de la saga de vouloir mettre James aux prises avec les innovations techniques. Ce qui est une force du film, l’invisibilité de l’ennemi, est aussi malheureusement une autre de ses faiblesses. Puisque le spectateur ne doit rien savoir sur le vrai ennemi de 007, eh bien chacun des ennemis qui relève le précédent manque systématiquement de charisme. Cela devient un défilé d’ennemis qu’on ne croyait pas l’être, ce qui fait que James Bond n’a pas un ennemi charismatique à combattre, en tout cas de la trempe de Christopher Walken dans Dangereusement Vôtre, du Chiffre dans Casino Royale ou encore du Dr No. Une déception majeure, car on retombe dans de l’action de divertissement, avec une mise en scène et une bande-son de série B, sans intrigue prenante et sans aucun humour. C’est froid, c’est formel, ça manque d’étincelles, c’est au final bien creux pour un James Bond, bien qu’innovant en termes d’action pure…

 

 

  Jeu d’acteurs 

 

 

Roger Moore :):):(:(

Carole Bouquet   :):):(:(

 

 

 

 

 

 

Note « boss » :):(:(:(

ð Ennemis pluriels, donc à chaque fois très peu charismatiques. Créant en tout cas peu d’attentes chez le spectateur. Parmi les ennemis les plus sérieux, Julian Glover, aperçu dans Star Wars en général de Dark Vador, et plus tard tenant le rôle de l’archéologue pro-nazi de Indiana Jones et la Dernière Croisade. Les autres sont au stade du « flanc »..

 

 

 

 

Note « action » :):):):(

ð Deux séquences majeures, qui durent faire grand bruit dans les salles obscures en 1981, un petit dépoussiérage du concept de course-poursuite automobile, et une baston à 30 mètres au ofnd de l’eau. C’est pas mal du tout. De toutes façons, c’est l’épine dorsale de ce James Bond, de l’action, de l’action et encore de l’action.

 

 

 

 

Note « charme » :):(:(:(

ð Le regard de Carole Bouquet crève l’écran, et elle devait sûrement être très tôt au courant du tournage au vu de ses deux saphirs imbattables. Les autres actrices du film sont vraiment à oublier au plan de l’acting pure, sans parler du scénario qui les dévalorise énormément.

 

 

 

 

Note « james bond »  1,5 / 4

 

 

 

 

 

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Patrick Dewaere dans Série Noire : rôle du siècle pour un acteur hors-pair !

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De l’avis de Marie Trintignant, actrice dans Série Noire, Frank Poupart était sans doute le plus grand rôle de Patrick Dewaere. Imaginez alors quel ton surprenant vais-je employer pour décrire Dewaere…puisqu’il est considéré comme un acteur hors-pair…Le monde du cinéma, à l'échelle mondiale, a perdu avec le suicide de Dewaere le plus grand acteur inimaginable, en 1982. Une sorte de matériau humain idéal pour un metteur en scène engagé, qu'en tant qu'artisan il pouvait faire se tordre et retordre jusqu'à l'extrême, sans toutefois blesser Dewaere ni l’épuiser. « Il semblait tout donner sur chaque prise, mais quand on coupait, il semblait étrangement facile », commente Marie Trintignant, alias Mona dans Série Noire. Patrick Dewaere était un comédien parmi de simples acteurs, pouvant passer de la détresse au rire en un seul jeu de regard, pouvant passer de la colère au refoulement en un pétage de plombs, pouvant jouer la déchirure personnelle par la violence contre lui-même là où de simples acteurs charismatiques ne paraissaient que bestialement violents. Un jeu hypnotique, humain, Patrick était le sujet de son rôle et non l'inverse. Plus q’un acting ou une interprétation, cela devenait une comédie. Il pouvait donc tout jouer, depuis cette scène où il doit mentir avec sincérité à sa propre femme (Myriam Boyer), pour lui cacher ses tourments jusqu’à la scène où il défie les indications d’Alain Corneau en se cognant violemment trois fois la tête sur le capot de sa voiture. « Je lui avais suggéré de mettre à chaque fois son bras au dernier moment pour ne pas que son front prenne, mais il m’a dit de tout prendre en un seul plan. Patrick m’a alors joué non plus la violence pure tournée contre soi-même…mais interprété la déchirure profonde. Ce que très, très peu d’acteurs réussiraient à faire », confie Alain Corneau. Une vraie force du cinéma cachée sous une gueule d’ange, ce qui créé le paroxysme total. « Un acteur hors-pair ou charismatique aurait joué la même scène dans de la violence pure…mais de là à réussir la suggestion de la déchirure mentale…il y a un pas », explique Alain Corneau, auparavant metteur en scène du très bon Police Python 357. Etant le tout dernier acteur de l'histoire à pouvoir se transporter le temps d'un film de la qualité d'objectivité devant son rôle vers la prouesse de vivre subjectivement ses interprétations, Dewaere semblait non plus coller à son personnage, mais le sublimer, le complexifier, l’humaniser jusque dans ses extrémités, jusque dans les angles de son visage. Dewaere est le seul qui pouvait permettre du grand cinéma intimiste, grâce à sa facilité absolue quant à mettre une partie de lui dans une fiction, dans un rôle. « Lorsque j’ai appris le suicide de Patrick, je savais d'ores et déjà que bien de mes projets de films ne pourraient plus jamais se faire. Et si il avait refusé ce rôle, Série Noire n’aurait pas été tourné », admet Alain Corneau. Un matériau humain idéal pour les cinéastes s'est envolé subitement, à moins de 35 ans à peine, alors qu'il serait devenu le numéro 1 incontesté de sa profession, toutes époques confondues, et à l'échelle du monde. Je vais expliquer mon propos qui paraît apologétique voire insensé au regard de mon âge. Avec Série Noire Dewaere permet enfin la meilleure retranscription jamais faite de l'univers tortueux et torturé du grand romancier de serial Jim Thompson. Dont seulement trois autres cinéastes au monde que Corneau, ont réussi de telles adaptations fidèles : Bertrand Tavernier, Stephen Frears et Stanley Kubrick. Tandis que tous les spécialistes du serial américain s’y sont cassés les dents. L’univers de Thompson c’est le bas-fonds de la conscience humaine. Incarner fidèlement l’un de ses héros torturés demande une performance d’acteur. Et l’intrigue en tant que telle, est toujours tellement vaste humainement et complexe, que lorsqu’on décide d’adapter au cinéma pareilles histoires, il faut en sortir les plus belles veines psychiques et humaines et engager un comédien, non plus un simple acteur. Car c’est l’humain dans toutes ses failles les plus profondes, qui doit jaillir à l’écran. On tombe alors dans un côté légendaire de Patrick Dewaere, véritable matériau psychique et humain pour le metteur en scène Alain Corneau, véritable rouleau compresseur des spectateurs, l’épuisant, le lessivant en une incursion très prenante dans les profondeurs ultimes de la conscience humaine. Série Noire serait de l’avis de bien des spécialistes le film le plus noir que la terre ait jamais porté. La légende sur Dewaere continuerait donc, faisant de cet acteur hors-pair, le seul qui soit parvenu à incarner totalement un des héros complexes de Jim Thompson (rôle Frank Poupart tiré du roman Des cliques et des cloaques). La prouesse de coller à de tels personnages jaillissant des bas-fonds mêmes de l'inconscient de Jim Thompson, romancier le plus noir que la terre ait jamais porté, achèvera bientôt d'établir Patrick Dewaere comme une perte terrible non pas pour le cinéma français ou mondial....mais pour la transcendance universelle du cinéma en 7ème Art ! Avec lui, le cinéma était réalité. Mais son 7ème Art restera, à travers notamment des œuvres comme Mille milliards de dollars, Coup de tête, Hôtel des Amériques, La meilleure façon de marcher, le subversif Beau-Père, le difficile rôle de suicidé dans Paradis pour tous.

***CRITIQUE DE SERIE NOIRE EN JUIN SUR CE BLOG***

***UN HOMMAGE COMPLET SERA RENDU A PATRICK DEWAERE A LA FIN DE L’ANNEE***

 scène symptomatique de son statut de grand délinquant naïf, violent malgré lui, et envahi par la peur de mal faire : Dewaere recherche ici le fameux flingue qui lui permettra de maquiller l'assassinat d'une vieille dame en règlement de compte entre elle et un voyou qu'il a fait venir pour le tuer. Cette trouvaille du flingue intervient après 3 minutes de déchaînement animal de Dewaere, mettant toute la pièce à sac bestialement, comme si l'acteur n'était plus, et que le personnage existait vraiment. Séquence vraiment incroyable !

sa femme devine petit à petit ses combines maladroites. Il doit lui mentir pour ne pas la tuer. En parfait innocent qu'il est au fond de lui-même, alors que l'on sent qu'il peut muer en véritable assassin de sa propre femme. Séquence bluffante de noirceur !.

 



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Cannes 2007, 32 courts-métrages, 32 réalisateurs de renom, une idée signée Gilles Jacob !

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Pour participer à la célébration du 60ème festival de Cannes, Gilles Jacob a convié plusieurs réalisateurs de renom ou connu pour leurs inspirations artistiques à réaliser chacun un court-métrage de 3 minutes, sur un même thème, « la salle de cinéma », et avec un budget commun à tous. L’occasion de découvrir d’autres cinémas, mais aussi et surtout l’opportunité inédite de comparer le traitement, l’imagination et le savoir-faire à travers 32 réalisateurs d’horizons divers, de cultures diverses. Ayant vu ces 32 courts-métrages, je vais les comparer depuis leur forme jusqu’à leur fond, établissant il est vrai mes préférences, mes déceptions. Attention ! Il y a des petites perles !

Selon moi, Michael Cimino (photo 1 ci-dessous), Gus Van Sant (photo2), David Cronenberg (3), Wim Wenders (4), Raymond Depardon (5), Nanni Moretti (6), Hou Hsian Tsien et Youssef Chahine (7) restent trop en surface de leurs messages, quand ce n’est pas trop simpliste dans la forme. Soit leurs messages ne sont pas assez explicites, soit c’est l’esthétique qui ne sublime pas leur thématique. Alors passons si vous le voulez bien…Les courts-métrages réussis sont liés soit à une esthétique agréable voire novatrice, soit à un message explicite et bien pensé.

Corbis SygmaMK2 DiffusionMetropolitan FilmExportBodega FilmsCorbis SygmaBac FilmsCorbis Sygma

Parmi les perles thématiques, Wong-Kar-Waï (1) traite du désir amoureux né d’une rencontre dans une salle de cinéma, extrapolant l’amour envers un film, une actrice (eur). Dans la forme c’est en revanche peu convaincant, avec ces plans fixes voyeuristes et parfois peu parlants, mais cela reste une perle au plan thématique. Bille August (2) défend l’universalité du cinéma, c’est bien pensé, mais c’est trop sobre dans la forme. Manoel de Oliveira (photo 3 ci-dessous) rend un vibrant hommage à l’ère du cinéma muet, mettant en scène Michel Piccoli en Krouchtchev, face au Pape, pour un « dialogue de sourd ». Bien pensé mais trop de classicisme dans la forme. Walter Salles (photo 4) rend une mauvaise copie dans la forme, mais quel clin d’œil donné au festival depuis l’autre bout du monde : le Brésil. Un fond très comique, très sympa, et un bel hommage de voir deux brésiliens faire une battle d’improvisation musicale sur la vision populaire brésilienne du festival. Les deux hommes étant face à face, devant un vieux cinéma de quartier qui affiche « Les 400 coups » de Truffaut, jouant du grolo à mesure qu’ils chantent à tour de rôle. Très beau clin d’œil à Cannes. Ken Loach (5) vient défendre à travers Cannes le cinéma engagé, dont il se réclame en effet. Cela aurait pu être détourné à des fins personnelles du coup, mais c’est sans compter sur la méthode employée : l’humour caustique. Un père et son fils font la queue devant la caisse d’un cinéma, et commentent tout fort quel film ils iraient bien voir. Ironie complète, ils hésitent entre un film d’horreur sur Adolf Hitler, La Réussite du faucon noir et d’autres films à l’humour de bas-étage, dont ils se moquent tout haut. Ils sont critiqués par ce qu’ils viennent au cinéma sans savoir ce qu’ils veulent voir, alors ils décident en fin de compte d’aller voir un match de football, se faisant vilipender par les autres de les avoir fait attendre pour rien. Eux ayant préféré ne pas attendre plus longtemps pour voir…du mauvais cinéma. Au plan de la forme c’est très sommaire, avec deux plans maximums, mais la satire contre le cinéma faussement d’auteur ou le cinéma volontairement blockbuster est intéressante. Trop sobre dans la forme, Takeshi Kitano (6) réussit l’extrapolation d’un beau thème : la salle de cinéma pour tous, exagérant un peu en mettant en scène un paysan et son chien seuls devant un film projeté rien que pour eux (titre : « Une belle journée »). Mettant en scène Jeanne Moreau, Théo Angelopoulos (7) sert un cinéma explicite, limite théâtral, dont les images sont trop faibles (titre : « Trois minutes »). Andreï Konchalovsky (8) extrapole l’idée d’un cinéma pour tous, d’une salle obscure pour tous publics, défend l’idée d’un véritable lieu d’échanges. Trop classique, trop sobre dans la forme (titre : « Dans le noir »). Roman Polanski (9) a donné carte blanche à deux grands acteurs de théâtre, Denis Podalydès et Michel Vuillermoz, pour ironiser sur l’appropriation de chacun d’un même film. Vuillermoz gémit toutes les 10 secondes devant un film érotique, un couple assis premier rang demandant la sécurité devant cet homme qu’ils croient s’offrir un petit plaisir personnel en public. En fait il n’en est rien : il souffre d’être tombé du balcon situé 10 mètres au-dessus :). Façon aussi de critiquer le manque d’échanges et de compréhension des cinéphiles d’une même salle de cinéma et la différence de compréhension d’un même film. Trop rudimentaire dans la forme.

Manoel de Oliveira. Les Films du ParadoxeCorbis SygmaAlloCinéTakeshi Kitano. Mars DistributionCorbis SygmaCorbis SygmaAlloCiné

Résultat des courses…il reste donc quatre perles absolues, celles de Alejandro Gonzalez Inarritu (1), Atom Egoyan, Lars Van Trier et David Lynch. Des courts-métrages sublimant le fond par la forme, avec pourtant un budget commun aux autres réalisateurs, je le rappelle. On s’immisce là dans du cinéma d’auteur, même si on attend que Inarritu y accède définitivement un jour. Inarritu fait un plan fixe sur une jeune femme qui pleure devant Le Mépris de Godard. Plus qu’un hommage au cinéma total et humain de Godard, Inarritu met en valeur le cinéma dans sa plénitude absolue, c'est-à-dire là où les sens sont en éveil. Car cette femme qui pleure, le fait à l’écoute des paroles très explicites de Michel Piccoli et Bardot, aussi à l’écoute de la très remarquable musique de Georges Delerue, le « thème de camille »…une femme qui pleure alors qu’elle est aveugle, et qui finira par sortir de la salle faute de ne pouvoir se suffire des explications de son compagnon sur la position prise par les deux acteurs du Mépris, et qui semble avoir compris beaucoup rien qu’à l’écoute de la musique de Delerue. Court-métrage le plus puissant au plan émotion, la forme sublimant le fond et vice versa. Atom Egoyan (2) traite avec l’universalité d’une salle toute entière, du rapport douloureux qu’un spectateur peut entretenir pour le meilleur et pour le pire avec un personnage, avec un héros qui viendrait à mourir. Il enchaîne autant de gros plans que de femmes qui pleurent, avec des femmes musulmanes qui ont retiré leur voile pour ne garder que celui qui couvre leurs cheveux. Egoyan reste engagé, voilà tout ! David Lynch (3) pond encore un cinéma très visuel, sans voix, mais avec une musique assez noire, voulant peut être suggérer selon moi (on ne sera jamais d’accord) la force de pénétration du cinéma dans les consciences. Une sorte de manichéisme détruit entre l’être et le paraître, détruit à coups de visuels très symptomatiques de son cinéma, la paire de ciseau venant mettre fin à un déluge d’images débordant du cadre de l’écran, et s’ingérant dans la salle elle-même. Lars Von Trier (4) enfin, propose une thématique qui m’est très cher : appelant à respecter le cinéma comme art et non comme business. Même s’il ne réussit pas forcément à aller plus loin, notamment en faisant une incision claire entre ce qu’est un comédien et ce qu’est un simple acteur, ou entre le concept du « 7ème Art » et celui du « cinéma ». Mais en 3 minutes seulement, c’est un peu chaud…

TFM DistributionDavid Lynch. Bac FilmsAlloCiné

 Dans l’ensemble, si on ne peut juger que sur 3 minutes, ni comparer de grands réalisateurs le temps de 3 minutes, il reste sûr et certain que trois minutes reste trop court pour pouvoir vriament s’exprimer… Mais c'est une très bonne idée de Gilles Jacob, directeur du festival de Cannes.



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the BACKWOODS (Koldo Serra -sortie ciné prochaine-)

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Avant-goût     (titre original : "Bosque de sombras") réalisé sans réels financements, ce premier film de Koldo Serra mériterait d’être connu. Car la sobriété originale pour un tel thriller, tant musicale que photographique, ne casse pas le suspense tout en décuplant la capacité d’envoûtement de l’œuvre. Vous avez à l’affiche un bon Gary Oldman. Film noir dans la même veine que les « Dominik Moll »…c'est à dire efficace, sobre et intelligent !

Pitch   Norman (G.Oldman) et Lucy (Aitana Sanchez-Gijon) rejoignent leurs amis Paul (Paddy Considine) et Isabelle (V.Ledoyen) pour des vacances au milieu des bois. Mais lors d'une randonnée en forêt, les hommes découvrent, stupéfaits, une cabane abandonnée dans laquelle semble être séquestrée une fillette. Apeurée, choquée et très inhibé, la fillette est prise en charge par les deux hommes, qui la ramènent à leur domicile de vacances. Leurs femmes s’étonnent d’une pareille trouvaille mais tentent d’adoucir la fillette. Quant aux deux hommes, ils voient une bande de chasseurs frapper à leur porte, demandant s’ils n’auraient pas vu une fillette, qui a disparu de leur village. La fillette semblait devoir être prise en charge sérieusement, et ces chasseurs paraissant un brin suspicieux, Norman décide de les accompagner dans les sous-bois, pour rechercher une fillette…qui n’est ailleurs que chez lui. La tension commence alors à monter...

Avis   c’est un thriller donc je ne m’aventurerai pas à critiquer le scénario. Sachez simplement que c’est sobre, sans fioritures, et que Koldo Serra parvient à faire un thriller efficace en se passant totalement de musique, et avec un fond d’intrigue intelligent. Cela ressemble alors à un petit film noir, bonifié par un Gary Oldman que l’on sent concerné, et par une mise en scène faisant la part belle à l’acting, via des gros plans sur les faciès, où des doubles plans parlants avec personnage au fond, personnage au premier plan. Le cadre aide aussi, ces sous-bois envoûtant, mais il est brillamment rendu, grâce à une photographie épurée (sans styles tape à l’œil). L’intrigue met peut être un quart d’heure à poindre le bout de son nez, mais lorsqu’elle montera d’un cran, elle restera constante. Toujours dans la sobriété bien entendu, ce qui change des thrillers américains actuels où tout passe par le montage et le travail des images après coup au plan lumière. La sobriété passe par l’utilisation de l’éclairage naturel de ces sous-bois, de ces cabanons, et par un ancrage respectueux sur un habitat reculé, sur une population isolée du monde, via la mise en scène de cette bande de chasseurs, qui paraissent d’abord comme de rudes villageois hostiles à la moindre intrusion d’étrangers dans leur village, même des touristes.

Si la sobriété est dans la forme, le fond ne manque pas d’une certaine profondeur d’esprit, puisque le spectateur à affaire à une fantasmagorie sur le milieu des chasseurs, sur les campagnes reculées et isolées, et que s’il suit jusqu’au bout le film, ne pourra qu’apprécier ce dénouement final alliant des sentiments très humains comme l’amour père-fille, la vengeance inassouvie, ou la confiance donnée à l’être au détriment du paraître. Et c’est un peu ça qui est hallucinant de la part d’un Koldo Serra qui n’en est qu’à son tout premier film, d’un genre difficile aujourd’hui dès lors que l’on a pas le sou : il fait fantasmer le spectateur en jouant sur le paraître, puis il refait jaillir la force de l’être. Petit thriller d’auteur en quelques sortes…

   Jeu d’acteurs  

Gary Oldman  :):):):(

Virginie Ledoyen  :):):(:(

Aitana Sanchez-Gijon :):):(:(

Paddy Considine :):):(:(



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Mean Streets (Martin Scorsese -1976-)

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Avant-goût  difficile d’accrocher vraiment à cette première œuvre phare de Martin Scorsese. Dans le fond d’intrigue il manque de la profondeur, il manque même une trame. Mais on peut remarquer déjà les atouts techniques qui feront la force de la réalisation scorsesienne : le rythme de la caméra, le travelling avant et arrière, le cadrage voyeuriste..

Pitch  en 1973, à New York, dans la petite Italie, Johnny Boy et Charlie, des malfrats à l'affût de combines louches, côtoient les mafiosi qu'ils envient. Pour accéder au haut du pavé, une règle impérative : respecter la loi d'honneur du milieu. Charlie, lui, a ses chances, car il a un oncle mafieux. Mais le problème se pose pour Johnny, un bagarreur inconscient, criblé de dettes. Lorsque celui-ci se procure une arme à feu et commence à faire le malin, ça dérape...

Avis  heureusement qu’il y a un super duo d’acteurs dans Mean Streets, sinon cette sorte de trou d’air scénaristique serait très, très mal passé. Le jeune De Niro et le jeune Harvey Keitel bonifient énormément le film, notamment parfois en numéro d’impro (la scène de l’arrière-bar près des poubelles). La légende de Mean Streets, et ce mythe fondateur qu’il représente pour la carrière de Scorsese se résume en fait à cette interprétation de De Niro, dont Keitel peine à se rapprocher. Mean Streets n’est pas seulement le lancement grand public de la carrière de Robert de Niro, c’est aussi le début d’une filmographie mafieuse convaincante chez Scorsese. Il faut faire la part des choses tout de même : Scorsese entame là par un film sur des petites frappes de Little Italy (quartier italien de New-York), c'est-à-dire bien loin des vrais gangsters qu’il mettra à l’écran par la suite (Affranchis, Casino). Alors bien évidemment, filmer les déambulations quotidiennes de telles petites frappes n’a rien d’enthousiasmant. Ce serait presque un raté complet sans cette caméra énergique ou cette paire d’acteurs. Scorsese risquait le non-film. Car s’ils ne sont pas de vrais durs, ils ne sont pas non plus identifiables comme monsieur tout le monde. Leurs problèmes existentiels n’intéressent personne, faute d’une mise en valeur réelle par Scorsese et faute d’un scénario faisant du surplace. Ce sont des banalités existentielles que Scorsese fait tourner en boucle. Scorsese rate en effet le portrait humaniste de son milieu d’enfance. Bien heureusement, le sens du rythme déjà féroce de Scorsese, lui permet de sauver cet échec de filmer l’humain. Robert De Niro. Ciné ClassicVia quatre bastonnades filmées en travellings avant et arrière enthousiasmants, via cette fraîcheur de Keitel et De Niro et via une bande-son authentique (bande-son interne en fait, soit une radio, un tourne-disque à disposition des acteurs, soit la musique du lieu central : le bar de nuit), Scorsese rend une très belle copie. Par contre, une très belle copie en tant que réalisateur (sens du rythme, technicité) mais non en tant que cinéaste, reconnaissance qu’il devra encore attendre. Mean Streets est donc selon moi pseudo-culte, parce qu’il a révélé une belle technique de réalisation, un bon Robert de Niro, et qu’il s’attaquait enfin aux problèmes existentiels de la délinquance des minorités italiennes de New-York. C’est le fond qui ne suit pas assez pour se faire-valoir en film réellement culte ! On pourrait certes y voir un essai sur ce problème de délinquance de Little Italy, mais Scorsese, faute de moyens financiers, s’est recroquevillé sur une caméra à l’épaule économique mais inadaptée à filmer le grand espace socio-économique que représente sa Little Italy natale. Le spectateur reste trop la tête dans le guidon de la paire d’acteurs Keitel/De Niro…et est mené en bourrique tout au long d’un surplace scénaristique. Alors chef d'oeuvre, non, car pas assez mûr, mais un petit culte peut lui être rendu pour ses moments d'improvisation, sa bande-son interne au film (une première paraît-il !), son énergie de caméra et cette révélation fracassante de De Niro !

   Jeu d’acteurs  

Robert de Niro :):):):)

ð Bob de Niro avait là enfin l’occasion de se mesurer à un vrai rôle, surtout après ses trois premiers rôles négligés par Brian  de Palma. Cette légèreté teintée de grave va malheurseument disparaître au fil des années chez De Niro. On regrettera la sobriété vers laquelle s'est parfois embarqué l'acteur depuis, qui est sans nul doute du au souci de travailler ses rôles avant les débuts de tournage, ce qui est maladroit car ça semble brider son talent naturel hérité du fameux théâtre de Broadway, où il se mesurait sur ces planches bourgeoises et satinées... à un autre jeune loup aux dents longues : Al Pacino.

Harvey Keitel :):):):(

ð un peu trop linéaire dans son interprétation, ni de faiblesses, ni de forces, mais un manque d’étincelles

Harvey Keitel et Robert De Niro. Ciné Classic



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Le Secret de Brokeback mountain (Ang Lee -2005-)

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Affiche américaine. Focus FeaturesAvant-goût   Difficile de passer après des critiques presse aussi dithyrambiques, et après une flopée de critiques de blogueurs. Mais voyant que les blogueurs ont autant échoué que le critique des Cahiers du cinéma, pour des raisons bien différentes en effet, je me vois dans l’obligation non pas de critiquer ce film, mais de l’analyser. De toutes façons je ne suis bon qu’à ça…critiquer ne voulant rien dire en-soi ! Contre la connaissance des mots encyclopédique mais inaboutie des Cahiers du cinéma, et contre le manque de recul des blogueurs, voici une analyse impartiale mais détaillée du Secret de Brokeback mountain…qui pourrait vous aider à comprendre pourquoi ce film a été autant primé à la Mostra de Venise et aux Golden Globes.  Ang Lee a osé là où beaucoup ne se sont pas risqués. Traiter de l’homosexualité sous des formes presque intemporelles tout  en la soumettant aux traditionnelles pressions de la temporalité. Il a su se garder d’entretenir un manichéisme entre la normalité et la déviance sexuelle, en éclairant d’une lumière neuve l’homosexualité…tout en rabaissant doucement l’hétérosexualité. Par une dialectique narrative et d’images, il entretient une certaine parité entre ces deux sexualités, et au-delà entre raison et passion… livrant donc un mélodrame novateur qui mérite d’être reconnu pour ses qualités de fond et de forme.

Pitch    été 1963, Wyoming. Deux jeunes cow-boys, Jack et Ennis, sont engagés pour garder ensemble un troupeau de moutons à Brokeback Mountain. Isolés au milieu d'une nature sauvage, leur complicité se transforme lentement en une attirance aussi irrésistible qu'inattendue. A la fin de la saison de transhumance, les deux hommes doivent se séparer. Ennis se marie avec sa fiancée, Alma, tandis que Jack épouse Lureen. Quand ils se revoient quatre ans plus tard, un seul regard suffit pour raviver l'amour né à Brokeback Mountain. Rien n’est facile, ils doivent mentir à leurs femmes respectives sur de pseudo-parties de pêche…à Brokeback mountain.

Avis   il est légitime d’être décontenancé devant un tel cinéma qui part des grands espaces lyriques d’un western post-moderne pour poursuivre dans l’intimité amoureuse de deux cow-boys. Cela décontenance les nostalgiques de western tout comme les passionnés de comédies sentimentales. Avant d’analyser le fond, il convient de louanger Ang Lee pour son saut dans l’indicible, dans le tabou à l’aide d’une sobriété parfois sensitive. Si filmer les grands espaces et les transhumances a quelque chose d’enjôleur avec Ang Lee, on regrettera ces moments d’ennui où le spectateur est condamné à l’observation. Mais c’est pour mieux poser le décor d’un western d’un nouveau genre, comme l’explique Ang Lee : « Les cow-boys sont tellement timides... Ils parlent peu. Dans la première scène, quand Ennis et Jack se rencontrent, il n'y a aucun dialogue. Larry (le scénariste) m'avait écrit à propos de la culture non verbale  de l'Ouest. J'avais fait un film sur une culture du verbe avec Raison et sentiments. D'une certaine façon, celui-ci était plus difficile parce que s'ils n'expriment pas leurs sentiments et qu'ils communiquent de façon uniforme, alors un bon moyen de faire passer leurs sentiments est d'utiliser les éléments du Western : le paysage, le ciel, les animaux ».  Ce lyrisme de Ang Lee laisse peu à peu place à la sobriété, et c’est en fait là que le film commence à accrocher. Rien n’était facile ni joué d’avance pourtant, avec cette première scène d’ébats entre deux hommes qui s’imposait crûment au spectateur, puis avec ce mélodrame d’un genre si nouveau qu’il est marginal parmi les drames sentimentaux actuels. Faut-il rester ? Faut-il fermer les yeux sur ce que l’on voit ? sur ce qui s’annonce ? Ang Lee achève de convaincre, ainsi que la paire Ledger/Gyllenhaal qui s’est sortie les tripes. Ang Lee décortique un à un les stéréotypes. Ces derniers tombent un à un, permettant au film d’établir une parité homosexuel/hétérosexuel un peu idyllique voire naïve au regard du monde dans lequel on vit…. Heath Ledger et Jake Gyllenhaal. Pathé DistributionTraçant leur chemin loin de Brokeback mountain, ces deux « déviants sexuels » (pour parler comme Sigmund Freud) mènent  malgré tout une vie dure, au beau milieu d’une nature rocailleuse et d’une humanité prude, l’un n’hésitant pas à faire parler les poings lorsqu’il le faut, l’autre remportant un prix de rodéo en domptant un taureau faisant 15 fois son poids ; tous deux se marient chacun de leur côté et fondent une descendance. Quand l’un revient vers l’autre, ce sont les tabous qui commencent à être déminés un à un par Ang Lee. Le spectateur peut alors se prêter à penser à cette image de certains mariages hétérosexuels légitimés par l’église et les familles mais pas toujours fruit d’un vrai amour. La sexualité hétérosexuelle par procuration (se soumettre au désir de l’autre), par devoir (assurer une descendance), par obligation (pérenniser un mariage), la sexualité d’une nuit avec un corps de rêve (rencontres inopinées). Ang Lee ne va pas jusqu’à établir un manichéisme entre une hétérosexualité mécanique et une homosexualité passionnée, non !  IAng Lee s’efforce au contraire de casser le temps d’un film ce manichéisme entre deux sexualités. Etablissant une parité en rabaissant l’une, et en mettant en lumière l’autre.  En une sorte de contre-pied fait aux stéréotypes de notre monde, ou de mise en lumière des tabous, c’est selon le regard que l’on porte à cette idée. Comme pour mieux donner de la force à une passion amoureuse partagée dans un secret bien gardé du regard des autres, ou du monde du paraître, c’est selon (double lecture proposée par Ang Lee, l’une amoureuse, vraie et passionnée mais incompréhensible de l’entourage, l’autre maritale, mensongère et raisonnée mais superficielle aux yeux de ces deux hommes). Car lorsqu’ils sont seuls tous les deux, de nouveau là où ils s’étaient rencontrés, ils refont le monde. Une idylle parfois naïve parce qu’intemporelle parmi le temporel, parce que passion parmi la raison. Centre névralgique duquel Ang Lee tisse un drame lent mais implacable, comme à son habitude (Ice Storm), causé par une temporalité redevenue maîtresse de l’intemporalité, une raison reprenant les rênes de la passion. L’homme ayant défié la normalité, il se voit rattrapé par une réalité qu’il ne pouvait combattre que dans le secret. Un coup de chapeau doit être tiré pour les actrices du film qui jouent toutes juste!

   Jeu d’acteurs   

Jake Gyllenhaal :):):):(

Heath Ledger :):):):(



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La Fureur de vivre (avec James Dean -1956-)

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Avant-goût     James Dean était adulé pour ses rôles, notamment celui-ci, le deuxième et avant dernier grand rôle de sa courte vie. Car dans La Fureur de vivre il ose ce que la jeunesse n’ose pas, il parle comme la jeunesse ne parlait pas encore, il se bat et se révolte contre l’ordre établi par ses générations antérieures, dont ses parents, auxquels il reproche leur gentillesse maladive, teintée d’un trop fort protectionnisme. Une jeunesse étouffée, mais pas encore brocardée se révéla à elle-même, dans les années 50, en voyant l’un d’eux s’ériger malgré lui en porte-drapeau, en porte-parole de leurs intérêts. James Dean meurt la même année 1955, après avoir enchaîné les tournages de ce film, de Géant et de A l’est d’Eden…..d’un accident de voiture…ce qui acheva sa consécration en mythe auprès de ses jeunes contemporains, en acteur atypique auprès de l’establishment postérieur…

Pitch    Jim Starcks est en garde à vue. Retrouvé ivre en plein milieu de la route, il devra désormais s’expliquer avec la police. James Dean. Warner Bros.Ses parents débarquent, remettant une couche supplémentaire sur ce qu’ils jugent être un désastre d’éducation, de père et de mère. Jim montre finalement combien il comprend le commissaire, et est relâché. La rentrée scolaire arrive, et Jim sera pris en grippe par des collègues de promotion qui jouent les durs. Il est un peu habitué à cela puisqu’il n’arrête pas de changer d’école tous les six mois, pour mauvais comportement. Devant prouver à cette bande combien il est un homme, Jim devra passer plusieurs épreuves de duel avec leur « chef ». Vivant à cent mille lieues des conceptions de ses parents, il se coupera progressivement d’eux, puis de cette bande de jeunes dès lors qu’il y aura un drame. On suivra alors un jeune livré à lui-même…

Avis     James Dean a fait tellement peu de films, telle une étoile filante, que sa rareté peut me faire pencher pour une Fureur de vivre complice de sa vie. Faute de matière de comparaison. Son rôle de jeune universitaire errant sans autres buts que de se prouver à lui-même qu’il est un homme, concorde bizarrement au poil près avec son âge et peut être sa sensibilité. Poids parental, principes de vie, sens de la vie, importance de la réussite…..James Dean. Warner Bros.James Dean balaie tout sur son passage, pour se tourner vers la liberté de vivre sa vie comme il l’entend. Nicholas Ray à la baguette ne fait pas des miracles, offrant un cinéma dans l’ensemble lent et s’arc-boutant sur un scénario des plus minces, comme des films directement sortis en dvd de notre temps. Avec un départ depuis un fait divers, une garde à vue, pour finir sur…un fait divers. C’est un parcours initiatique, c’est un laps de temps d’une fin d’adolescence, et cela prit sans doute plus de valeur que ce qu’il méritait, sitôt l’étoile filante James Dean éteinte à jamais… Car il est presque certain que rien d’autre que James Dean et son souffle libertaire ne resteront gravés dans les mémoires. Ce souffle libertaire émanant du film, cette « fureur de vivre », comme l’ont appelé les traducteurs français, qui marque à la bonne heure une décennie « fifties » américaine souffrante de luttes inter-générationnelles…..quand la décennie des « sixties » soufflera un vent de tempête plus global (interracial notamment). Quant à James Dean, il faut bien avouer qu’il crève l’écran, et qu’il a eu le nez fin pour oser un rôle aussi avant-gardiste. Alors s’il ne restera de La Fureur de vivre que James Dean et son souffle libertaire, c’est déjà suffisant pour faire de ce film un authentique symptôme d’une époque, d’une décennie américaine, d’une jeunesse, qui plus est devenu universel à mesure que les mœurs se libèrent. Une étoile de retirée, car il vaut mieux ne pas se voiler la face : La Fureur de vivre a mal vieilli au plan mise en scène….un manque rattrapé par sa portée désormais multi-générationnelle et universelle (extra-Amérique).  Pour une vraie performance d’acteur de James Dean, voyez plutôt A l’est d’Eden…vous comprendrez là que le 7ème Art américain avait perdu gros en sa personne, à l’instar du 7ème Art français avec le grand Patrick Dewaere. Tous deux des comédiens qui vivaient leurs rôles, avec son lot de souffrances existentielles; on n’est donc plus réduit au strict statut d’acteur…mais d’artistes-comédiens.

    Jeu d’acteurs   

James Dean :):):):(

Natalie Wood  :):):(:(

Natalie Wood et James Dean. Warner Bros.

Sal Mineo  :):(:(:(



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OUTRAGES (Brian de Palma -1990-)

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Avant-goût   hormis la toute fin de film, ne cherchez pas de positivité dans ce film sur le Vietnam. Les sévices imposés aux populations autochtones y sont montrés et décriés, et la guerre du Vietnam est montrée dans toute sa bêtise. Inspiré d’une histoire vraie, Outrages rappelle un peu Voyage au bout de l’enfer dans son projet de filmer l’humain, même si là, il se résume plutôt à placer le mauvais comportement des GI’s comme une cause centrale de la cinglante défaite à venir. Le message du film est très humble ! Comme point commun ? le sentiment de proximité du spectateur avec ces soldats, même si on n’est plus forcément dans un essai moral sur la condition d’être d’un GI’s au Vietnam (Voyage au bout de l’enfer) mais plutôt dans un thriller intimiste transposé dans le cadre du Vietnam…

Pitch   Vietnam, 1966. Le chef de section Meserve (Sean Penn) doit conduire ses hommes jusqu’à un point stratégique où les vietkongs tiennent la dragée haute à l’armée américaine. Prétextant un long voyage périlleux à travers la brousse, Meserve kidnappe une jeune villageoise pour servir à lui et à ses hommes de repos du guerrier. Le soldat Ericksson (M.J.Fox) va lentement s’opposer aux sévices sexuels imposés par toute sa section à cette jeune femme…mais la diffusion de la bonne morale ne semble plus être un but de guerre dans l’armée américaine…et il est contraint de devenir le bouc émissaire de ses collègues de section, et pire…de son chef d’état-major !

Avis    ce qui est fascinant dans ce film sur le Vietnam, c’est que le spectateur dispose d’un personnage auquel s’identifier les yeux fermés, celui du soldat Ericksson, campé par Michael J.Fox. Nous voyons par ses yeux les atrocités et sévices que commettent sa section. Brian De Palma adapte une nouvelle très moralisatrice  de Daniel Lang, elle-même basée sur un fait réel ; mettant en valeur l’aspect témoignage. A travers lui, le spectateur voit la guerre du Vietnam comme une guerre d’incapables, menée par des jeunes de la vingtaine qui semblent ne rien comprendre à l’environnement naturel vietnamien, et où la loi et la discipline militaire sont décousues à l’extrême sur le terrain, par les « petits chefs » de section. Outrages, soit Casualties of War en titre original, est un petit film très honnête sur le désastre américain du Vietnam, parce que De Palma a toujours fait primer l’humain et la condition de GI’s sur la bataille, la guérilla, l’usage des armes, etc… C’est assez frappant de voir un film pareil, même si sur ce plan là il reste en-dessous du très réussi Voyage au bout de l’enfer, de Michael Cimino (1978). Car il faut avouer que le montage de Outrages empêche le spectateur d’accrocher autant à l’intrigue, et qu’il paraît une ou deux fois artificiel lorsqu’il coupe court à des séquences émouvantes. Parce que pour de l’émotion, il y en a, avec cette histoire de jeune femme vietnamienne kidnappée par le chef de section (Sean Penn), violée à quatre reprises puis... ! Si le problème demeure sur ces coupures artificielles imposées entre ces séquences d’émotion, l’émotion reste très crédible. Elle est sublimée par la très prenante musique de Ennio Morricone, « casualties of war » (un extrait est au-dessus, écoutez-le…), et permet de mettre en abîme tout un tas de pratiques de guerre malsaines qui ne sont pas sans créer des dommages moraux à tous, auteurs comme victimes.

Brian de Palma permet au spectateur de ressentir l’humain et ses défaillances de soldat, de jeune soldat, de soldat occidental défié par une contrée qu’il ne soupçonnait pas : discipline du chef de section aux frontières floues que lui seul repousse, le problème de l’âge de ce chef de section (pas plus âgé ni plus sage que ses hommes), la discipline envers ce chef qui est sans cesse sabordée par les caporaux de section dès lors que cela arrange ces derniers, abus de position dominante des GI’s sur les populations autochtones, des Américains beaucoup trop jeunes pour pouvoir comprendre ces autochtones, leur mode de vie, leur langue. De tout cela découle une pratique de la guerre profondément absurde, immorale, malsaine et terriblement dommageable pour tous : chefs de section, lieutenants, caporaux, état-major, autochtones, civils. Pour une première sur le problème vietnamien, Brian de Palma nous offre un film miroir de son essence de réalisateur : « le réalisateur doit être un magicien et savoir faire surgir des sensations, des visions de nulle part. Il faut constamment surprendre, inquiéter. Le spectateur ne doit pas rentrer chez lui réconforté, rasséréné : la vie n’est pas ainsi… ».  Vous retrouverez une certaine patte « de palma » même s’il a fait un effort pour s’adapter au genre : si les plans fixes face caméra sont une nécessité vers laquelle il a du se soudoyer, on peut parler aussi d’un plan à la première personne suggérant les déplacements d’un meurtrier vers sa victime, un peu comme dans la séquence de l’assassinat de Malone (Sean Connery) dans Les Incorruptibles. L’occasion de découvrir un Michael J.Fox et un Sean Penn déjà crédibles…A voir en anglais sous-titré car les voix de doublage ne sont pas bonnes et décrédibilisent parfois Michael J.Fox.

     Jeu d’acteurs   

Michael J.Fox  :):):):(

Sean Penn :):):):(



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Nicolas Sarkozy : stade ultime de l'oligarchisation du pouvoir...

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Comparer Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa à Jules César ? C’est tout à fait possible tant les points de convergence existent. On peut comparer sans être anhistorique, ni anachronique. Un parallèle peut être fait entre ces deux dirigeants, par bien des points communs. Un parallèle peut être fait dans ce qui les a fait tous deux, soit l’évolution du siècle qui les ont enfanté. 2055 années les séparent superficiellement…mais dans le fond ce sont les mêmes. Analyse politico-historique…

Nicolas Sarkozy arrive à la tête de la France, sous tous les plans. Son nouveau statut de Président de la République ne vient que couronner ses possessions antérieures, notamment la mainmise sur les oligarques de la haute finance, les grands médias nationaux, son parti UMP ou encore la prochaine Assemblée nationale. Cela est passé par son cumul des mandats, des cumuls honnis par beaucoup, comme sa députation, sa mairie, sa présidence de l’UMP, son ministère de l’Intérieur. Cela est passé par une couverture médiatique hors norme, s’il allait dans telle usine, il y aurait à coup sûr des caméras de niveau national. Une surreprésentation dans les médias datant des débuts de son ministère de l’Intérieur, ce qui a fait dire à des experts et des journalistes, à tort, combien il était prêt pour la Présidence de la République depuis trois ans. Alors qu’il ne s’agissait que d’images multipliées aux heures de grande écoute. Sa mainmise sur le pays, au-delà de la Présidence, est passée par la communication. Toute une armée de communicants travaillent auprès de lui depuis son arrivée au difficile poste de ministre de l’Intérieur. Poste difficile car il s’agissait pour Jacques Chirac de mettre en difficulté ce jeune politique ambitieux et fougueux au profit d’un autre candidat futur à sa succession, un candidat plus de son giron. Alors Sarkozy a travaillé avec des communicants, pour bonifier sa mise en valeur des mots, et trouver les mots les plus convaincants possibles pour rendre compte auprès de tous d’un certain charisme. C’est une voix naturelle, c’est un sens de la gestuelle, c’est une élégance rugueuse, c’est un comportement a faire rougir de honte les étudiants en école de communication. L’axe de sa campagne a été d’abord de faire peur, puis de séduire. Faire peur en amont, lors de son ministère de l’Intérieur. Séduire depuis, en omettant de reparler de son bilan de l’Intérieur, de peur de faire peur, et histoire de ne pas répéter ce que les grands médias rabâchent sans cesse depuis trois ans sur sa fermeté, sa droiture, son ambition, ses qualités. A ce petit jeu là, c’est toute les forces moralisatrices de notre société qui ont préparé le terrain à l’érection présidentielle de Nicolas Sarkozy, comme du temps de Jules César, en 48 avant Jésus-Christ. Analyse parallèle de la concentration faite par les deux hommes…

En commun : une rhétorique, une instrumentalisation des peurs, une mainmise sur les forces moralisatrices

Au crépuscule de la Rome antique républicaine, dont Jules César est le dernier et ultime gouvernant, la domination se réduisait petit à petit à une oligarchie dirigeante, ayant accaparé lentement mais sûrement toutes les formes de pouvoir, sans contreparties aucunes de devoir et de comptes à rendre. Formes de pouvoir que l’on peut assimiler aux forces moralisatrices héritées par Sarkozy aujourd’hui. Et une concentration des pouvoirs similaire aux deux, c’est à dire instrumentalisant les peurs. Jules César se servait ainsi de sa rhétorique, pour asseoir sa légitimité sur le sénat romain. De même que Sarkozy a fomenté et maintenu à la lettre un discours rôdé, agrémenté d’une gestuelle persuasive, pour séduire le peuple en même temps que rassurer sa famille politique. Jules César bénéficiait de la propriété et de la fidélité de toutes les légions romaines pour instaurer un climat de peur et de méfiance envers lui. Nicolas Sarkozy n’a pas eu l’armée quant à lui, heureusement pour notre démocratie, mais a été très médiatisé et très couvert à la moindre de ses interventions, et ce, par les grands médias nationaux. Les grands penseurs du temps de Jules César ont pour beaucoup eu affaire à la justice expéditive de Rome, décrétant par exemple l’exil ou la mort à Cicéron, grand orateur et grande plume, quand il n’embrigadait pas tous les autres, via des cadeaux carriéristes (nominations à des postes importants dans les provinciae ou en Italie). Nicolas Sarkozy a convaincu pratiquement toute la classe politique, de quelque bord qu’elle soit, de le rejoindre. L’enjeu pour ces dissidents étant de participer à un possible renouveau de la vie française. On pense alors aux 27 transfuges du Centre ou aux élus de gauche ministrables. Les historiens les plus au fait, qualifient le régime de Jules César, arrivé au pouvoir en 48, de dictature, quand les historiens au fort esprit de synthèse voit en lui le réceptacle de tout un siècle de pratique oligarchique, le catalyseur d’une mort du régime républicain, la matrice de l’empire romain. Chose qui peut être sous-jacente à l’évolution de la France aujourd’hui, via Nicolas Sarkozy. Analyse du siècle de César…

Les trois essences du pouvoir romain devenues les médias, la rhétorique et le clientélisme avec Sarkozy

Lourd destin en effet que Jules César portera jusque dans sa tombe, encore qu’il ne pouvait pas se l’imaginer. Pour analyser les méthodes d’érection de César au pouvoir, il convient de remonter le temps, de puiser l’essence de sa condition politique jusqu’au début de son siècle, soit le dernier siècle de la République romaine…avant l’empire. Partons de la crise gracquienne si vous le voulez bien. En 133 av.J.C., deux frères donnèrent naissance à une lignée d’hommes politiques romains que l’on appellera les populares.

 les frères Gracques (Gracchus), Tiberius Sempronius Gracchus à gauche, Caïus Sempronius Gracchus à droite.

Ces deux frères, les Gracques, infléchirent une nouvelle façon de faire de la politique à Rome : agir pour le peuple. Quant Tiberius Sempronius Gracchus est élu Tribun du peuple en 133, il s’empresse d’appliquer ses promesses faites au peuple, comme légiférer sur les expropriations de terres concourant à faire de petites gens…et des puissants. Une révolution des idées politiques suivie d’une révolution de la pratique gouvernementale tribunicienne : Gracchus dépose une loi pour abroger les pouvoirs d’un autre tribun qui s’opposait à ses lois qu’il jugeait démagogiques. Une première parmi le corps des tribuns du peuple, qui je le rappelle sont 10 membres devant agir de concert. La violence est employée pour parvenir à ses fins : Gracchus est assassiné, son corps est jeté dans le Tibre. Cet événement politique est symptomatique de tout un siècle de république romaine qui enfantera Jules César. La politique pour le peuple comme moyen d’accession au pouvoir, la violence aigue et âpre pour remettre de l’ordre à Rome contre pareils populistes. Car il s’agissait bien de populisme pour l’époque, stigmatisé en démagogie par les conservateurs de Rome, qu’on appelait les optimates. Alors un clivage durable divisera Rome : la politique populiste d’un côté, menée par des hommes politiques dit « populares », de l’autre les conservateurs inflexibles des héritages de jadis, les optimates. C’est une très bonne base pour comprendre les changements lents mais sûrs qui s’imprimeront dans la vie politique romaine jusqu’à Jules César.

Sylla.

Au temps des Gracques, la  vraie force du pouvoir est fragmentée entre les corps politiques, entre les fonctions, entre les familles nobles elles-mêmes. Les trois essences majeures du pouvoir sont alors la rhétorique, le clientélisme et l’armée. D’un côté un général pouvait recevoir les honneurs et les faveurs du sénat au lendemain d’une victoire sauvant Rome d’un péril, de l’autre un sénateur pouvait influencer ses pairs quant à poursuivre au-delà de la victoire de ce général pour lancer une grande expédition punitive contre l’ancien agresseur, et d’un autre côté, de grands penseurs et tribuns pouvaient embrigader les foules, le peuple (= la plèbe) quant à louanger cette victoire militaire ou accepter l’idée d’une expédition punitive. Mais en aucun cas Rome ne pouvait maintenir un consensus solide et constant entre ces trois détenteurs d’auctoritas (pouvoir/autorité) sur plus de 3, 5 voire 10 ans. Le siècle de César, c’est la montée de l’imperator, la concentration de toutes ces formes de pouvoir en un seul homme : rhétorique, armée et clientélisme. D’abord une concentration horizontale, au sens économique du terme : un général victorieux était rappelé pour sauver Rome d’autres périls, depuis Marius (99-86 av.J.C.), s’accaparant tous les honneurs du peuple, toutes les faveurs du sénat et concentrant petit à petit tous les légionnaires sous son commandement. Concentration verticale enfin, dès lors qu’un général victorieux alliera les faveurs des sénateurs, le soutien du peuple et la protection personnelle via son armée. Vous l’aurez compris, toute concentration des pouvoirs passait obligatoirement par la possession de l’armée et son utilisation comme outil répressif, comme instrument de peur et comme protection personnelle.

 

Sarkozy : le clientélisme de Pompée, la fortune de Crassus, la rhétorique de César

Le peuple descend dans la rue, prend les armes, pendant tout le siècle, non sans conséquences. En jeu pour les esclaves siciliens ou de Spartacus et autres habitants d’Italie : la reconnaissance de leurs droits d’être citoyens au même titre que les Romains. Cela fera le jeu de généraux, notamment Sylla. La guerre « sociale » fait alors des morts, le sénat commence à se diviser sur les mesures à prendre, notamment celle d’accorder pleine confiance à Sylla, le général chargé de réprimer toute l’Italie. Les sénateurs récalcitrants craignent de faire entrer le loup dans la bergerie. Ce n’est pas faux, mais ils oublient surtout que cette « grande guerre » (de Diodore de Sicile) prépare le terrain d’une accélération de leur perte de pouvoir, et de leur propre chute : partout en Italie, pendant cette guerre, des optimates se font puissants en s’arrogeant de grands réseaux de clients. Ces « grands » entendent régler localement ce que le sénat ne peut plus faire. Le clientélisme naît alors, avec ces armées d’électeurs en puissance pouvant faire élire leur « chef » au sénat, et ces montagnes d’argent disponible pour faire campagne, mais aussi une meilleure possibilité de corrompre le sénat. Il y a de graves crises plurielles qui secouent l’Italie, morale, militaire, politique, institutionnelle, et qui la ralentissent alors qu’un « empire » est à gouverner. Un empire qui avance plus vite que Rome, et dont les imperatores seront la clé pour combler ces retards. La concentration des pouvoirs devient alors très visible et en même temps indéboulonnable. Pour effacer le souvenir du populaire général Marius, tout juste décédé, Sylla nettoie le sénat physiquement, faisant tuer 80 sénateurs pro-Marius. On est en 82 av.J.C. et les optimates (conservateurs) durcissent significativement le ton face aux populares (dont Marius était alors le représentant), en faisant tabula rasa du passé par la violence. Par la dictature aussi : pour une première à Rome dans un tel contexte de non péril, de non-violence, de non-crise majeure (un homme n’était fait dictateur que lorsque l’urgence ou une crise l’exigeait, par vote du sénat). Le dictateur Sylla remet alors le sénat romain sur les rails et lui remet plusieurs prérogatives supplémentaires, toutes retirées à d’autres corps sociaux plus modestes, en parfait conservateur (l’équivalent de la droite française aujourd’hui).

Pompée

Après Sylla, Pompée. Les victoires militaires et la grande clientèle héritée de son père, achèveront d’imposer Pompée au sénat et au pouvoir. Pendant la guerre contre Spartacus, qu’il fait crucifier en 71 en dernier parmi ses compagnons d’arme, Pompée discute d’un pacte avec Crassus pour briguer le consulat de Rome. Tous deux sont en parfaite illégalité (Pompée par exemple qui n’était qu’un chevalier n’ayant fait aucunes classes politiques). Mais qu’importe ! Crassus lui apporte son argent, Pompée apporte l’armée et sa clientèle. Ils sont acceptés et Pompée impose une surenchère de prérogatives militaires. Tout le monde veut se rapprocher de lui, veut ses faveurs politiques. Sarkozy n’avait pas encore tout le grand capital dans sa poche avant son élection, mais suffisamment pour financer en partie sa campagne. Il avait la fortune donc, mais aussi la rhétorique.

« La violence règle tout » (Appien) / « Vous en avez assez de ces racailles ? Eh bien moi je vais vous en débarrasser ! » (Sarkozy)

Jules César n’était rien, ou si peu. Simple patricien populaire, à la fois proche du peuple et noble par lignage. En pactisant avec Pompée et Crassus, il se donne une aura militaire (Pompée) et une richesse énorme (Crassus) : ce qu’on appelle le triumvirat. En tant que consul de Rome, il ratifie les vœux de Pompée, mais la rue s’incruste et veut se faire entendre : les populares de Clodius et les optimates de Milon se livrent des combats de rue à Rome ! Pompée doit régler le problème, César part conquérir la Gaule. Il revient en Italie en 49, avec une fortune constituée de pillages et des armées aguerries, fait taire pour de bon Pompée et remet de l’ordre dans la rue. Il promet alors une redistribution d’argent à la plèbe (= le peuple, les citoyens), comme Nicolas Sarkozy promettrait aujourd’hui le plein-emploi et un meilleur pouvoir d’achat ; César fait distribuer en masse du blé comme Sarkozy promettrait une meilleure sécurité à l’école, pierre angulaire de la citoyenneté, et dans les quartiers; César donne la citoyenneté à tous les italiens de Cisalpine comme Sarkozy stigmatiserait les immigrés et autres « non-identitaires nationaux » pour mieux valoriser la valeur d’un citoyen ; César confisque le pouvoir en 46 en dictateur comme Sarkozy déciderait de ne pas être succédé à la tête de l’UMP pour mieux tenir les rênes de la droite...De même que César avait sénat, électeurs, richesse et armée, Sarkozy aurait UMP, Assemblée nationale, électeurs, soutien du grand capital, arme nucléaire, armées et grands médias.  Jules César n’avait rien fait pour arriver là, c’est le système qui l’avait littéralement porté. Une victoire longue et anormalement lente contre les faibles Gaulois, le pouvoir de la rhétorique…pas vraiment de richesses, d’appuis financiers sans son triumvirat malicieux, pas de clients sénatoriaux mais seulement légionnaires ou gaulois….Non, rien ou si peu. C’est le système qui l’a porté, érigé, c’est son pouvoir qui l’a ensuite fait, et c’est sa chute qui mit fin à tout un siècle de surenchères politiques. Après quoi l’impasse…l’empire dictatorial…

 Licinius Crassus qui courut sans cesse après la victoire militaire, bien qu'il ait l'argent...

Si on ne peut savoir si l’histoire se répétera ou non, via une guerre civile/montée de la rue puis un nouveau régime politique, il reste tout à fait normal de parler d’un régime sarkozyste réceptacle de tout un siècle de pratiques oligarchiques du pouvoir, de catalyseur d’une mort possible du régime républicain tel qu’il est fait aujourd’hui, enfin, de matrice d’un nouveau système de valeurs politiques, tant au plan d’une opposition de gauche mieux structurée, en signe d’une leçon apprise, comme d’une VIème République plus proche des citoyens de France. Suivre en revanche la même évolution que la Rome républicaine signifierait la mort clinique de la politique française. Et je ne parle pas encore de l’américanisation de la politique française, car ce serait tout un nouveau parallèle qu’il faudrait faire entre les années Reagan/Bush et les cinq voire dix années sarkozystes…Des Américains qui mènent une politique du saut en avant, alors que leurs valeurs sont beaucoup trop jeunes pour être nobles et suffisamment rôdées, des Américains qui gouvernent comme s’ils étaient les patrons d’une entreprise, dont les investissements à long terme se résument à la création de peurs populaires factices sur lesquelles s’appuyer pour légitimer un doublement de leur complexe militaro-industriel au détriment de la perte totale des valeurs citoyennes. Nicolas Sarkozy est peut être la rançon de la gloire tirée de l’exportation de la Révolution Française en Amérique, mais il reste le stade ultime de la surenchère politique franco-française et de la concentration des forces moralisatrices de France.  Jules César l’avait payé de sa personne…

A l’heure de ces lignes une communicante n’ayant faite aucunes classes politiques s’apprête à être ministrable, comme un signe de faveur donné pour service rendu, deux éminents journalistes viennent d’être débauchés de leurs rédactions de niveau national pour rejoindre l’une l’Elysée, comme secrétaire d’état, l’autre Matignon comme conseillère ministérielle, comme un signe de faveur donné pour service rendu, les services de renseignement français vont fusionner sur un seul et même site à Levallois-Perret, comme signe d’une concentration des compétences et d’une éventuelle surveillance accrue des citoyens, des députés de gauche et du centre sont potentiellement ministrables, comme signe d’une volonté farouche de faire se désunir l’opposition gouvernementale, et enfin un juge proche de l’UMP a été imposé comme président du Conseil National de la Magistrature comme pour mieux faire table rase du passif de certains ex-politiques…La concentration des pouvoirs continue. La presse le dira-t-elle ? Les bloggeurs oui !!

Aucun autre nom que Sarkozy ou que les grandes figures de l’histoire romaine n’ont été mentionnés. Sources : les médias réputés et mes connaissances d’historien antique.

 

Aux historiens et aux journalistes d’éclairer le présent,

KERUIT

 

Mes réponses aux réactions :

MG le 19/05/2007 - 12h47 
" Quel article ! Une sacrée analyse !! Franchement, bravo ! Par contre pour toi Keruit et pour cette rubrique passionnante, vérifie que Lagardère ou Bouygues ne sont pas à la tête d'allociné "
=> Allociné a été la propriété de Canal + puis de Vivendi Universal. Mais, aujourd'hui Allociné est indépendant. C'est sûrement là qu'il faut saluer Allociné, car c'est tout de même la base de données internet la plus large de France, un interface intelligent et un réceptacle des passions cinéphiles...et autres esprits critiques susceptibles d'offrir un complément d'informations. Allociné devenant par là même le numéro 1 du cinéma en France, au-delà même des grands magazines ciné, grâce à son côté "base de données" et son impartialité. (Keruit)
Ecrit par MiKLR37 le 19/05/2007 - 01h13 
" Excellent article. Judicieux, bien pensé. A l'heure où de nombreux journalistes mettent en avant la ressemblance frappante (et voulue) entre la vie de Sarkozy et de JF Kennedy, cet article montre aussi combien Sarkozy est un homme avide de pouvoir sur tous les points. En tant que futur historien (j'espère) je ne peux qu'applaudir ta démarche. Bravo. "
=> je suis remonté jusqu'à Reagan pour le côté américain de la démarche politique de Nicolas Sarkozy, mais il est tout à fait logique de comparer aussi à JFK. Par ailleurs ce n'est pas l'avidité de pouvoir de Sarkozy que j'ai voulu montrer, simplement transposer le siècle à notre époque, pour mieux montrer combien comme César, Sarkozy est la créature de son siècle politique. Je n'ai pas abordé le côté tragique de cette petite histoire dans l'histoire, ce côté tragique de la fin d'un homme (César, poignardé par Brutus) et d'un régime (la république, balayée par la violence puis l'empire). Car ce côté tragique n'est pas un point commun avec Sarkozy, puisque l'on ne sait pas de quoi sera fait l'avenir. Et de toutes façons on ne peut pas souhaiter pareille tragédie humaine et politique à un homme de notre temps, dont il faut laisser le temps de relever son défi. De premiers défis ont déjà été relevés , comme le rajeunissement de la classe dirigeante ou la parité gouvernementale homme/femme.
Miklr37, je te souhaite de réussir là où tu veux aller, les études d'histoire, sachant que tu sembles déjà avoir des qualités pour y réussir : sens critique (tes réactions aux débats présidentiels), expression écrite (lisible et sans fautes d'orthographe), esprit de synthèse (ton extrapolation sur Irréversible est brillante car tu parviens à mettre des mots sur du métaphysique)..


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1001 pattes (John Lasseter et Andrew Stanton -99-)

Publié le

Avant-goût  1001 pattes convient selon moi plus à un public jeune car il fait apprendre « en jouant » et tout est fiable sur ce point. Un public plus âgé pourra peut être rire une ou deux fois, mais trouvera peut être cela un peu longuet par moment, bien qu’il y ait toujours du rythme. Le manque d’énergie est plutôt à mettre au niveau de certaines séquences qui ne font appel à aucunes vérités scientifiques, aucunes réalités…comme la séquence où les fourmis chantent et font du théâtre. Ça divertit aisément un public jeune, mais ça tranche trop avec tout le reste du film, qui est selon moi très intéressant.

Pitch  une colonie de fourmis est tyrannisée par une escouade de sauterelles. Ces dernières promettent qu’elles reviendront piller leurs récoltes à la fin des beaux jours. La fourmi Tilt se charge alors de partir à la recherche de mercenaires censés aider la colonie à battre leurs tyrans de sauterelles. Tilt ne trouve rien de mieux qu’une bande de comédiens de cirques, dont une coccinelle bien petite, un phasme bien maigre, un pique-prune bien lent ou encore une chenille bien inoffensive…

Avis  au plan graphique et au plan animation c’est du bon travail. C’est lisse, il y a les effets d’ombre, de relief, l’eau a réussi a être relativement bien modélisée, et les mouvements des personnages/insectes sont dynamiques et appropriés. Dans le fond, c’est aussi du bon travail, je dirai même encore mieux. C’est bien simple, si l’univers n’avait pas été retranscrit avec autant de minimalisme concernant les fourmis, cela aurait donné un très grand film d’animation éducatif…sur les insectes. Comme toujours chez les Américains les stéréotypes et les attributs physiques de tel ou tel animal desservent admirablement le côté humour du scénario. C’est drôle parce que pertinent, avec ce florilège de jeux de mots propre à telle ou telle espèce, et les attributs physiques de chaque espèce apportent de l’eau au moulin de ce microcosme de petits êtres. Parmi eux le phasme, la mante religieuse, la sauterelle, le pique-prune, le papillon, la chenille, la puce, le cloporte…j’en passe et des meilleurs. Chacun a ses attributs, et lorsqu’ils parlent entre eux il y a tout un tas de vérités propres aux représentations que l’homme a d’eux, mais aussi une poignée de vérités scientifiques (humour sur la durée de vie de 24 heures des « mouches à m..e»…par exemple). Si les fourmis sont mal représentées à mon goût, surtout au plan de leur grande force d’organisation sociétale, qui est trop détournée de sa réalité selon moi, tous les autres insectes sont brillamment représentés. 1001 pattes est bon film d’animation nord-américain, alliant le divertissement léger à la pédagogie légère…

 Note "tous petits":):):):)(+:))

Note graphisme:):):):)

Note animation :):):):)

Note doublage :):):):)(+:))

Note morale:):):):)

NOTE GENERALE :):):):)

 



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