Couronné par deux Césars
en 2010 dont celui du Meilleur Son et de la Meilleure Musique écrite
pour un film (Armand Amar), Le Concert est un film enjoué cherchant
dans l'humour et la profondeur de ses personnages toute la réussite
qu'il mérite. Un cocktail qui peut exploser selon vos sensibilités,
en fin de film lors du concert au Châtelet. Une émotion qui monte
et finit en apothéose.
Pitch
A l'époque de
Brejnev, Andrei Filipov (Aleksei Guskov) était le plus grand chef
d'orchestre d'Union soviétique et dirigeait le célèbre Orchestre
du Bolchoï. Mais après avoir refusé de se séparer de ses
musiciens juifs, dont son meilleur ami Sacha, il a été licencié en
pleine gloire. Trente ans plus tard, il travaille toujours au Bolchoï
mais... comme homme de ménage. Un soir, alors qu'Andrei est resté
très tard pour astiquer le bureau du maître des lieux, il tombe sur
un fax adressé au directeur : il s'agit d'une invitation du Théâtre
du Châtelet conviant l'orchestre du Bolchoï à venir jouer à
Paris...
Le Concert dispose d'un
interprète d'excellence en la personne d'Aleksei Guskov. Il joue le
rôle d'Andreï Filipov. Il est inconnu du grand public mais en
Russie il a joué dans plus de 70 films. Un cachet indéniable
apporté au film, pas seulement lorsqu'il se place au devant de tous
les acteurs pour parler français et échanger avec les acteurs
(ices) français, notamment Miou-Miou dans l'hôtel, une scène qui
démontre un vrai travail de langage et de crédibilité. Car
monsieur a dû apprendre à diriger un orchestre, se plongeant jusque
dans les arcanes de son personnage. La même chose pour Mélanie
Laurent, qui bien que relativement en-dessous en terme de présence
et d'interprétation, a dû apprendre le violon en 3 mois. Le récital
final est donc un conglomérat d'un mime de l'acteur russe et d'un
« play-back » pour l'actrice française. Tout ce qu'il
fallait. Il ne fallait pas en demander plus, tant l'importance de la
note bien tenue et de la splendeur musicale tant attendue par les
spectateurs, devaient rester le maître-mot du film. Chaudes larmes
de pas s'abstenir d'ailleurs ! La musique devînt un langage
délivrant les messages les plus enfouis !
Le réalisateur Radu
Mihaileanu explique : « Avec mon complice Alain-Michel Blanc,
nous sommes d'abord partis en Russie pendant deux semaines pour
rencontrer tous ceux qui, par la suite, allaient inspirer nos
personnages. Cela a nourri énormément de dialogues, de scènes et
d'idées qui ont fini par prendre corps dans le scénario. »
Effectivement : quelle force que ces dialogues et ces acteurs tout en
caractère ! Le Concert ne manque pas de rythme, malgré l'intime que
revêt son histoire. Un alliage efficace pour proposer au final de
vrais tronches de personnages authentiques, échangeant selon des
dialogues qui brillent parfois par leur humour voire par leur capacité à
faire transparaître une époque.
Le réalisateur Radu
Mihaileanu évoque la censure qui régnait à l'époque de Brejnev
: « Même si un tout petit vent de liberté s'était
mis à souffler près de dix ans avant la Perestroïka, le pouvoir
essayait encore de bâillonner les intellectuels. La peur que le
point de vue des intellectuels ne se propage aux masses et que ces
dernières ne se soulèvent. Brejnev se méfiait notamment des juifs
qui ont souvent pris la parole sur des questions sensibles et qui
avaient des parents à l'étranger, susceptibles de relayer leur
point de vue. C'est ainsi que Brejnev a chassé les musiciens juifs
de l'orchestre du Bolchoï, tout comme les Russes qui les ont
défendus. De même, le régime craignait les gitans, et les
minorités en général, qui ne se soumettaient pas à son autorité.
(...) En revanche, j'ai cherché à montrer qu'un geste a priori
anodin l'éviction du chef d'orchestre et des musiciens juifs
peut susciter un traumatisme terrible sur toute une génération qui
peut mettre trente ans à s'en relever. C'est le cas de beaucoup de
destins brisés de gens originaires des pays de l'Est. »
Si
le côté historique du Concert a beaucoup à envier à certains
films allemands récents, pour leur pertinence quant à plonger le
spectateur entièrement dans une époque, dans un pays, dans un
régime, la question soviétique dans Le Concert ne manque pas
d'arguments. Cependant, la mise en scène du régime, du contexte,
d'une époque est dans Le Concert une force positive : « le
régime était comme ça, et alors ? Cela n'empêche pas au
contraire ». Soit une manière de dire... Le Concert souffle un
vent rafraîchissant, avec un air de film grand public qui apparaît
comme faux. D'où son succès populaire sans doute.