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Lucky Luke (James Huth -oct2009)

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UGC DistributionLes adolescents souriront parfois, les enfants seront eux, toujours submergés par une certaine grossièreté qui tient à ce genre d’humour, quand les adultes se demanderont ce que fait Jean Dujardin planté dans un décor pareil ! Non, Lucky Luke n’a pas encore trouvé son égal au cinéma. Et on suspectera Eric et Ramzy d’avoir sympathiquement rendues vermoulues les planches daltoniennes qui auraient élancé tout ce film vers un certain sommet. Mais c’est toujours le premier qui le dit qui y est (ah ! l’humour du film est contagieux).

 

                                  Pitch

Au cours de sa mission à Daisy Town, la ville qui l'a vu grandir, Lucky Luke, "l'homme qui tire plus vite que son ombre", va croiser Billy The Kid, Calamity Jane, Pat Poker, Jesse James et Belle...

 

Jean Dujardin et Alexandra Lamy. Christine TamaletEntre la roulade amoureuse brisée par une coque d’escargot fortuitement écrasée contre le front de madame et l’incarnation soudaine d’Elvis Priestley pour épater madame, il y a du Un Gars une fille dans l’air. Entre la canopée de fumée de cigares dans ce train présidentiel et ce tir contre son ombre il y a du Lucky Luke dans l’air. Sauf que le premier registre dont je vous parle est suffocant d’omniprésence, quand le second est parsemé ci et là au petit bonheur la chance. Dommage. Il s’agit pourtant d’un film intitulé Lucky Luke, non ? A la place de Monsieur Luke mis sur un piédestal, vous avez un défilé de seconds rôles qui vous sont présentés avec ovation du public, dans des séquences où chaque acteur (Testud, Youn, Poupaud) en tire une sacrée fierté. A croire que Lucky Luke et son Dujardin d’interprète ne compte que comme un simple « verre témoin », un simple lien dans le scénario.

Jean Dujardin. Christine TamaletOn notera le très bon goût, mais limite enfantin de l’humour visuel tel que ces chapeaux qui, en vitrine d’une boutique, cachent en fait des cow-boys armés et prêts à tout pour tuer Lucky. On a aussi cette gueule de génie de Dujardin, capable encore une fois du meilleur en matière de pathos, ridicule et autosuffisance dans son personnage décidément imbattable. On notera la belle noirceur de Daniel Prévost ou encore l’adéquate interprétation de Joly Jumper par…un cheval blanc qui n’a pas connu Henri IV mais avait connu Lucky Luke dans un meilleur état de forme.

Michaël Youn. Christine TamaletLe Lucky Luke unlucky, looser, ça c’est nouveau, hormis dans quelques tomes de Morris et Goscinny, Lucky Luke l’homme qui tire plus vite que son ombre, n’a jamais connu une telle dépression. Bizarre d’écorner la légende bien française de l’Ouest de la sorte, c’est peut-être histoire de permettre aux autres personnages de mettre en lumière les acteurs qui ont accepté pareil projet. Melvil Poupaud incarne le Jesse James pensif et lettré (qui tuait tout en se recueillant auprès de Dieu pour ses péchés), Sylvie Testud joue les baroudeuses en la personnalité de Calamity Jane. Michaël Youn fait ce qu’il peut avec ses petits bras musclés pour camper Billy the Kid, sauf qu’à part les dents de lapin qu’on lui a fichu entre les maxillaires, il n’y a rien à voir veuillez circuler !

Jean Dujardin. Christine TamaletAlexandra Lamy joue la ténébreuse, apportant le glamour dont son mari à la ville se jouera pour offrir tout le pathos qu’on reconnaît en lui dans certains excès de machisme dans Un Gars une fille. Joly Jumper fera bien rire 10 secondes lorsqu’il traduit en langage de cheval une expression entière, puis plus rien… Lucky Luke devient pathétique à fond, il est une chiffe molle tout d’un coup. Le film de James Huth ne peut dès lors plus se contenter de s’amuser avec ses effets visuels, ses gags imagés et autres lourdingues jeux de mots. C’est cuit un peu trop vite comme cette œuf sur le plat grillé en début de film au soleil de midi. Et pourtant…

Pourtant les promesses et l’ambiance offertes dans les 20 premières minutes étaient convaincantes. On pensait se marrer à coup sûr. Mais James Huth a décidé de soigner ses hôtes comme il soigne Dujardin. Calamity Jane, Jesse James et Billy The Kid ont droit à leur lumière eux aussi, beaucoup beaucoup trop. A croire qu’entre les ego, Huth n’a pu trancher, foutant en péril le scénario en son entier jusqu’à la qualité même de l’interprétation de Dujardin, qui pouvait vraiment faire plus fort, assurément. Mais non, Huth a voulu éviter le règlement de comptes semble-t-il. Après tout, qui nous dit que Poupaud, Testud ou Youn n’ont pas accepté leurs rôles sans la garantie d’être mis à la hauteur du rôle-titre. Allez savoir… Daniel Prévost. Christine TamaletToujours est-il que c’est bien Youn qui incarne le film finalement : grossier, plat, creux, en roue libre et suffisant. Une bonne comédie ? Pour sourire ça va encore. Pour rire passez votre chemin. Quant à Dujardin, il a effectivement déjà accepté pareil projet, et c’est suivi du meilleur à chaque fois. Alors on attendra… Et dire que pendant qu’ on est obligé de se coltiner ça, Le Ruban Blanc ne passe même pas dans la plupart des cinémas ruraux ou qu’Un Prophète a été longtemps monopolisé par les multiplex qui pourtant, surjouent leur rôle lorsqu’ils diffusent pareils films non-commerciaux que ce chef d’œuvre qui aurait mérité la Palme d’or.



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L'Homme de chevet (Alain Monne -nov2009)

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Rezo FilmsDeux charismatiques interprètes féminines, et au milieu un homme impossible à identifier en tant qu’homme. Pas sûr que le public masculin y trouve certaines affinités autres qu’affectueuses envers…ces deux femmes, quand l’ensemble du film d’Alain Monne n’a certes pas les défauts d’un « premier film » mais est obligé de mettre à nu deux femmes parce qu’un homme ne parvient pas à le faire… Surmenées face caméra, elles donnent tout.

 

Pitch                                      

Carthagène, Colombie. Léo, ancien boxeur, travaille au service de Muriel, jeune femme tétraplégique. Peu à peu, une histoire d'amour passionnée se noue entre eux...

 

Sophie Marceau et Christophe Lambert. Rezo FilmsL’Homme de Chevet démontre certes qu’Eric Holder est un auteur qui inspire le monde du cinéma, après Je ne suis pas là pour être aimé ou dernièrement Mlle Chambon, mais son art littéraire, qui est somme toute celui de la rencontre ou de l’amour impossible, n’a jamais été adapté autrement qu’à coups de réaménagements ou de sélection de quelques pages seulement. Cette fois-ci, Alain Monne choisit d’expatrier le tout en Colombie, pour la beauté des images peut-être, mais surtout pour donner à son film la seule force artistique qu’il revêt, à côté du souffle puissant de l’interprétation de Sophie Marceau.


Margarita Rosa De Francisco et Christophe Lambert. Rezo FilmsQu’il s’agisse du premier film ou non d’Alain Monne, on ne peut exempter l’œuvre de ses faiblesses, celles en tout cas qui condamnent une histoire atypique en film banal. L’échec de L’Homme de Chevet à l’écran est celui de l’incapacité d’accoucher d’une belle et grande histoire à partir des nombreuses promesses laissées ci et là. Sophie Marceau peut subjuguer par moment mais au fond elle se meurt d’étouffement elle aussi. A côté d’elle, près de son lit éternel, cette femme pleine de renoncements frustres doit donner la réplique à Christophe Lambert.


Sophie Marceau et Christophe Lambert. Rezo FilmsSon homme à la ville représentait une promesse aussi, car un peu comme dans Mademoiselle Chambon, l’occasion d’interpréter le non-dit avec force d’une présence physique promettait de sublimer la passion amoureuse. Mais la présence en tout et partout de Lindon tranche avec l’abjection dans laquelle Lambert s’enfonce. Cette voix de fumeur personnifiée dans des traits d’homme fatigué allait tout de même coller un temps avec le personnage voulu par Alain Monne : on le fera boire de l’alcool maladivement, errer dans les ruelles, se prendre un marron, reprendre la boxe, etc. Mais qu’en est-il de l’homme qui doit suggérer son amour quand celui-ci n’en reste qu’au stade de la diction (difficile). Résultat, on n’y croit guère, on demande à voir, on attend, on se suspend à la force de présence de Sophie Marceau et de la star colombienne Margarita Rosa de Francisco. L’histoire d’un amour impossible sans imaginaire troublant dès lors qu’il manque un homme dans une histoire qui se meurt dans les bras de deux femmes, à petit feu. Mais on n’enlèvera pas la grandeur de Sophie Marceau, qui hisse un film mauvais en une belle histoire de cinéma, aux tons chatoyants d’une Colombie qu’Alain Monne a voulu aussi belle qu’il la connaît…belle. Un vrai cadre de cinéma, un rôle-titre fort, un talent exotique immense (De Francisco) et comme lien entre tout cela un rôle d’homme impossible à identifier par le public masculin.



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L'Affaire farewell (Christian Carion -oct2009)

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Pathé DistributionFarewell, Farewell, qui es-tu ? C'est la question à un effondrement de bloc soviétique près, que se poseront à la fois le KGB et la CIA. Sujet épineux qui ne séduit guère au pays des steppes, ce film y est interdit de projection. Christian Carion signe après Joyeux Noël un autre film historique aux dimensions internationales et au casting multi-langues. Adapté du livre Bonjour Farewell, du journaliste russe passionné Sergueï Kostine, le film vous place sur l'échiquier même où deux fous prennent un Roi...

                                  Pitch

Moscou, 1981. En pleine Guerre Froide, Sergueï Grigoriev, colonel du KGB, déçu du régime de son pays et francophile, décide de faire tomber le système. Il prend contact avec un jeune ingénieur français en poste à Moscou, Pierre Froment. Les informations extrêmement confidentielles qu'il lui remet ne tardent pas à intéresser les services secrets occidentaux. Homme sans histoires, Pierre Froment se retrouve alors précipité au coeur de l'une des affaires d'espionnage les plus stupéfiantes du XX e siècle. Une affaire qui le dépasse et qui menace bientôt sa vie et celle de sa famille...

Guillaume Canet et Emir Kusturica. Pathé DistributionEncore une histoire de paix en temps de guerre pour Christian Carion. Cette fois-ci, ce n'est plus une histoire d'hommes, mais d'homme à homme, entre les mains desquels les documents qui circulent sont plus efficaces encore que la bombe nucléaire pour maintenir la paix...en temps de guerre. Ce Grigoriev pense même à un monde meilleur, qui naîtrait avec ou sans lui, mais en tout cas jamais sans son travail. Emir Kusturica endosse le rôle de celui qui ment à son entourage, celui qui collectionne les preuves d'installations militaires américaines, de postes d'agents doubles en occident ou encore de l'ensemble des localisations, codes et moyens d'accès des ambassades américaines dans le monde et des systèmes d'armement du sol US. Les Américains sont interloqués lorsque les services français leur annoncent la chose par l'entremise de François Mitterrand, qui s'en sert alors comme bouclier pour faire accepter ses « ministres communistes » au gouvernement, à des libéraux américains qui pensent avoir perdu un allié. Philippe Magnan colle alors remarquablement bien à la situation lorsqu'il doit interpréter François Mitterrand à quelques reprises, avec une force liée à son travail d'actors studio et à la force naturelle de son personnage au sein de L'Affaire Farewell.

Pathé DistributionSidérant, en tout cas juste assez pour faire d'un anonyme ingénieur la plus grande source jamais vue...en vie. Méthodes américaines contre méthodes soviétiques et au milieu : la France. C'est l'histoire de l'anodin ressortissant français qui permet aux services américains de combler son retard en matière de contre-espionnage, pour sceller le sort d'un macrocosme soviétique qui devient d'un coup trop grand pour se réorganiser. Farewell c'était bien avant la chute du mur de Berlin, bien avant la chute du bloc communiste, et pourtant...

Guillaume Canet. Pathé DistributionGuillaume Canet était la personne toute trouvée, pour incarner cet ingénieur qui est confronté malgré lui à un homme qui outre les éléments graves qu'il lui remet à chaque fois, s'éprend de la liberté que Paris et lui représentent. Le parfait anonyme au-dessus de tout soupçon, que les soviétiques ne prennent pas la peine de ficher.

 

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Ingeborga Dapkunaite et Emir Kusturica. Pathé DistributionSimple porteur ? Simple pion ? Ce Français n'est rien de tout cela, Carion respecte son innocence tout en lui faisant subir les contraintes de la nécessité. Quand l'innocence flirte avec la raison d'état, c'est un peu la possibilité pour le spectateur d'entrer facilement dans ce rôle-titre, voire de s'identifier à ses moindres faits et gestes. Mais le grand à tous les étages est resté cet énigmatique russe, qui malgré la collusion entre ses idéaux et ses possibilités qu'il affiche à ce jeune français, souffrira lui-aussi de solitude et d' esseulement...mais selon les traits de sa culture à lui. Le double-portrait brossé par Carion est alors dense d'humanité, de camaraderie mais aussi froid de tensions conjugales et de suspicions à déjouer parmi les entourages respectifs des deux hommes.

Emir Kusturica. Pathé DistributionMalgré toutes leurs différences de mœurs, ils restent les mêmes. Embarqués dans le même bateau, leurs femmes sont toutes deux à deux doigts de les débarquer. Elles les trouvent somme toute habités, pour ne pas dire menteurs. Christian Carion réussit dans tous les registres de son cinéma : le suggestif et le dit sont de forces égales, à un haut niveau en matière de film d'espionnage. Le rythme quant à lui ne répond pas du tout au code du genre dit « anglo-saxon », mais Farewell n'a en même temps rien à voir avec le cinéma du non-réel ni celui de l'artifice. Alors si on ne peut pas tout dire ou tout montrer au cinéma, les producteurs Christophe Rossignon et Philipp Boëffard et le metteur en scène Christian Carion ont agi de concert en un même sens, celui du fil de l'histoire. Le duo avait signé Joyeux Noël qui était plus consensuel, aujourd'hui il s'est condamné à ne pas être projeté en Russie en faisant un simple choix artistique qui n'a rien de politique. Pour la Russie, cela reste l'histoire d'un traître qui a fait disparaître une sensation et une réalité de puissance jamais égalée. Un film rare, donc.

 

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En direct du festival du Croisic De la Page à l'Image...

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Je couvre pour vous, le festival croisicais De la Page à l'Image, qui a pour président du jury cette année, M. André Téchiné en personne, après Jean Becker l'an dernier et Claude Chabrol en 2007. Ce festival de cinéma est atypique : il met en compétition six films qui sont des adaptations littéraires à l'écran. Au programme de ce blog : les critiques de Victor, Mademoiselle Chambon, Le Dernier pour la route, et d'autres, avec dès que possible les échos du festival, notamment un compte-rendu des prises de parole des réalisateurs, producteurs qui concourent, l'interview de André Téchiné et quelques clins d'oeil... 


Philipp Boëffard, producteur,

raconte L'Affaire Farewell


En terme de budget et de temps, comment s'alloue-t-on les services de stars américaines comme Willem Dafoe ou David Soul ?

Philipp Boëffard : « Sur propositions d'un agent anglais. Le tournage a bénéficié d'un interprète anglophone. Cela explique que ça se soit passé le plus simplement.»

Emir Kusturica...

Philipp Boëffard : « Nous devions faire jouer le rôle de Gregoriev à un acteur qui est considéré dans la profession comme le « Daniel Auteuil russe ». Mais cet Ukrainien est passé ministre de la Culture entre-temps et on a dû trouver un remplaçant. Libre de projets et collant bien au personnage, Kusturica a accepté notre proposition.»

Comment s'est passé le tournage...

Philipp Boëffard : « Aujourd'hui Moscou c'est des bouchons dans les rues, ce n'est plus du tout la même ville que dans ces années 80. Alors nous nous sommes repliés sur Kharkov, en Ukraine, un choix d'environnement qui correspondait très bien à la fois au cadre que nous voulions pour le film et aux impératifs de tournage, notamment en terme de facilités et de confort de travail. Et puis tourner en Russie c'était un peu se mettre dans la gueule du loup. Le film est interdit de projection là-bas, car pour eux, Gregoriev reste un traître à la patrie. »

Plusieurs langues cohabitent dans le film, le russe, le français, l'anglais... Quel travail a été effectué en amont par Guillaume Canet ou Kusturica pour coller à leur personnage ?

Philipp Boëffard : « Kusturica et Canet ont travaillé le russe. Canet est parvenu jusqu'à un russe phonétique certes, mais qui collait véritablement au personnage. Kusturica avait déjà de bonnes notions et une proximité linguistique. »

Vos projets en cours ou à venir, vous qui aviez déjà produit Joyeux Noël ?

Philipp Boëffard : « L'année 2010 sera aussi dense que 2009, où nous avions sorti Welcome de Philippe Lioret avec Vincent Lindon et ce Farewell. Pour 2010 je travaille sur deux films : un sur l'épisode d'entre les deux tours présidentielles de la grotte d'Ouvéa en 1988 ; et un film qui suit l'huissier de justice qui s'est retrouvé emporté dans la tornade d'Outreau ! »



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Le Dernier pour la route (Philippe Godeau -oct2009)

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Wild Bunch DistributionHervé Chabalier fera un clin d’œil dans un tgv, à celui qu’il était avant. L’homme, observait alors un François Cluzet valsant presque sous le poids de la valise qu’il récupérait avec mal de l’étage dédié à tout ce qui est pondéreux…encore qu’un bagage n’est pondéreux que lorsqu’il est trop lourd pour être porté sans que l’on se concentre sur sa prise, son transport et sa pose. Mais là un autre élément truquait les données : l’alcool. L’alcool, l’alcool et encore l’alcool, avec un effet miroir, de l’avant-l’après, et de l’autre et soi, épatant dans sa facilité à délivrer des messages sans faire la morale. La liberté du spectateur persiste…dans un film adapté du livre d’un grand du journalisme qui a su ainsi trouver les mots qui traverseront un grand écran. Bravo.

 

                                 Pitch

Hervé, patron d'une agence de presse, décide d'en finir avec l'alcool. Loin de tout et grâce aux autres, il parvient à combattre sa dépendance, en repartant vers une nouvelle vie...

 

François Cluzet. Wild Bunch DistributionDéboires du temps qui passe ou fuite en avant perpétuel du temps à consacrer aux proches, du temps à mettre à profit lorsqu’on boit par maladie ? Hervé Chabalier a permis de donner au Dernier pour la route, la force rare qu’un film nécessite lorsqu’il prête à voir les méfaits de l’alcool, sans juger qui que ce soit, sans imposer un labyrinthe socio-éducatif qui rebute, sans non plus enchaîner dans un même panier l’ensemble des personnes qui boivent de l’alcool pour diverses raisons.

 

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Mélanie Thierry. Wild Bunch DistributionL’alcoolisme a ici plusieurs visages, l’alcool elle, n’est qu’un sauf-conduit, un lien social, un moyen d’euphoriser, un levier pour oublier, un réceptacle de toutes les peurs….une drogue dure. Pour les autres buveurs, ne passez pas votre chemin, Chabalier n’oublie personne sur la route, le verre de trop pourrait très bien être la cartouche de clopes de trop, aussi bien que la moindre addiction maladive qui vous ronge. Si Le Dernier pour la route suggère du bout des lèvres, montre ce que l’on impose à son corps à froid et fait couler les malheurs existentiels à flot,  il ne juge pas, il ne victimise personne, il explique parfois seulement quand il offre dans l’ensemble un champ de compréhension de l’insondable, l’inaudible.

Arthur Moncla et François Cluzet. Wild Bunch DistributionFrançois Cluzet est sobre dans son interprétation, c’est le cas de le dire, il enquille deux ballons de blancs pour la route, celle qui le mène à un centre de sevrage. Le film commence par le sevrage et finit par le sevrage. Entre deux, un combat, et au bout…encore un combat : l’abstinence, point barre. Mais que de difficultés quand en combattant l’alcool on ose affronter soi-même chaque jour. Autour de lui, une pléiade d’acteurs et actrices tous plus inspirés les uns que les autres, à commencer par Michel Vuillermoz dont les talents d’acteur de théâtre ne sont pas de trop pour interpréter le dilemme entre vouloir et pouvoir.

Le spectateur entre dans un centre aux côtés de Cluzet, et il comprend très vite : la réalité n’est pas transcrite à moitié, on y croit pour tout dire. Chabalier ne rôdait donc pas seulement dans ce tgv en début de film, sa présence s’affiche paMichel Vuillermoz et François Cluzet. Wild Bunch Distributionrtout : dans cette bouteille de vinaigre qui traînait au fond de la serre du centre depuis plusieurs années, dans ce coup de sang qui imposerait de reprendre ou dans ce fiston qui le répugne.


Quand on est en manque, tout peut y passer. L’alcoolique jeune et désillusionné, l’alcoolique dépressif, l’alcoolique bon vivant, le verre de trop n’a pas d’identité, il touche n’importe qui croyait en ses vertus pour se réparer de l’intérieur. Un projet de film noble, que la sobriété de Philippe Godeau respecte de bout en bout, non sans oser de temps en temps de diaboliser non plus l’alcool, mais les créatures qu’il subordonne. Ce film est l’histoire d’une sortie de maladie et d’un début de combat de tous les jours pour Hervé Chabalier, qui en témoignant de la sorte en librairie comme dans les salles obscures, offre une grande partie de lui à la connaissance d’un public pour le coup divers. Et quand en plus c’est bien dit et bien montré dans la violence du verre de nuit comme dans l’insomnie de minuit, on y croit et on y accorde tout notre respect autant que notre attention.

 

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Mademoiselle Chambon (Stéphane Brizé -oct2009)

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Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain. TS Productions / Michaël CrottoL'attente est le maître-mot de Mademoiselle Chambon. Partout dans les regards et interprétations, partout dans la mise en scène, le réalisateur Stéphane Brizé semble suspendre le temps au rythme d'un amour impossible. Tellement d'attente que pour le spectateur tout cela peut s'avérer fort long. Brizé démontre toutefois une maîtrise de l'artistique supérieure à ce qu'il avait démontré avec talent dans Je ne suis pas là pour être aimé.

Pitch

Jean (V.Lindon) est maçon et père d'un petit dont la professeure (S.Kiberlain) semble le révéler à lui. Marié, père d'une autre petite et surtout ayant la charge de son propre père (Jean-Marc Thibaut), Jean est sans cesse en train de penser à cette femme qu'il avait d'abord rencontré au hasard d'une sortie d'école, lorsqu'il était allé chercher son fils, et qu'il veut revoir éperdument. Il se pose alors la question du sens de son existence.

Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain. TS Productions / Michaël CrottoMademoiselle Chambon est l'adaptation du livre éponyme d'Éric Holder, qui voit Antonio (maçon) tomber amoureux d'une certaine Véronique Chambon, professeure de son propre fils, en école primaire. Entre love-story charnelle et mensonge des deux amoureux transis envers l'épouse, Stéphane Brizé adapte son propre regard sur l'œuvre, c'est-à-dire en laissant de côté à la fois le charnel et le développement de la tromperie. Il se recentre sur d'autres sentiments et sensations. Le sentiment d'étouffer devant cet amour à l'horizon si grand, le sentiment de mal-être face à une réalité amoureuse qui envahit son quotidien de père et époux légitime.

Sandrine Kiberlain. TS Productions / Michaël CrottoAu rayon des sensations, Brizé a décidé de faire une grande pause mi-littéraire dans la retranscription du sentiment amoureux, mi-cinématographique dans l'écueil de ne pouvoir dire l'insondable pour au contraire suggérer sans arrêts. Alors il va sans dire que jusqu'à un certain point de dénouement, Sandrine Kiberlain et Vincent Lindon ne peuvent que conquérir les foules des spectateurs, à travers un jeu tout en subtilité, et dans un registre où Sandrine Kiberlain est un peu la numéro un en France. Cette femme au faciès d'ange qui se refoule, va sublimer la séquence de rapprochement, quand elle ne parvenait peu à convaincre de la force de caractère de son personnage lorsqu'elle ne cessait d'obliquer ou baisser son regard. Comme une femme insoumise qui ne saurait pas ce qu'elle veut.

 

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Vincent Lindon. TS Productions / Michaël CrottoCette Mlle Chambon là est incroyablement déroutante pour ce maçon qui est invité à réparer sa fenêtre, puis à écouter des morceaux de violon, un instrument avec lequel elle venait de la subjuguer. Elle est celle que ne sera jamais son épouse (campée par Aure Atika) et à son contact il devient celui qu'il voudrait enfin être : libre, amoureux transi et homme à l'état pur. Vincent Lindon, tout en présence physique qu'on lui connaît n'a pas besoin de forcer son talent pour faire passer le message ni à sa partenaire, ni aux spectateurs. Perdu, esseulé, il anime de son regard des ébats dont il n'y a plus débats dans sa tête. C'est elle un point c'est tout. La raison, le sentiment de culpabilité, le péché, Stéphane Brizé va alors au-delà de son rôle d'entremetteur, pour tenter d'adjoindre sa grande technicité toute en « pause », toute en « suggestion » sur une histoire originelle pour laquelle il conservera tout de même le dénouement final. Mais d'ici là, que certaines séquences sont laborieuses de silence et pauvres d'animalité organique.

 

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Rezo FilmsLa transcendance de deux êtres qui se sont rencontrée est certes très bien amenée à l'image, mais à force de silences et de silences, la gêne peut s'émanciper chez le spectateur, à commencer par cette impression de voir sous ses yeux une histoire des plus banales, et rendues belle sur un seul point : son impossibilité. Toute la réussite de Stéphane Brizé et des acteurs est d'avoir su interpréter l' « impossibilité » d'un amour. Cela se vit dans l'intime en général. Mais non, plus fort encore que pour Je ne suis pas là pour être aimé et cette scène où Chesnais constate que sa passagère Anne Consigny pleure pour lui et pour eux deux, Stéphane Brizé capte encore les domaines du sentiment et des sensations. Dommage que le rythme soit très mal maîtrisé...

 

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Victor (Thomas Gilou -oct2009)

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TFM Distribution
Pierre Richard manquait certainement à beaucoup de monde, il obtient là un rôle où enfin, c'est lui qui manipule son monde. On ne se privera donc pas d'en savourer quelques instants de film, par ailleurs sans autres pépites.

Pitch

Alice (Sara Forestier), jeune stagiaire dans un magazine people, se prend d'affection pour son voisin de palier, Victor (Pierre Richard), charmant vieillard érudit abandonné de tous et sur le point d'être expulsé de son logement. Elle va bientôt trouver une solution à son problème : organiser un concours au sein de son journal dont le gain sera l'adoption de Victor. A l'issue du casting, c'est la famille Saillard qui gagne le droit de l'accueillir. Mais l'arrivée du sémillant octogénaire, censée apporter joie et bonne humeur, tourne rapidement à l'aigre. Les failles de chacun éclatent au grand jour et bouleversent le cadre d'une famille qui semblait pourtant bien sous tout rapport...

Raphaël Bongiorno, Antoine Duléry, Pierre Richard, Clémentine Célarié, Marie-France Mignal et Manon Chevalier. TFM DistributionThomas Gilou a semble-t-il dû se marrer à pondre pareilles esclandres à l'encontre de la cupidité, l'avarice, l'intérêt matérialiste et contre certains côtés bidons de notre mode de vie actuel. On sourit et on rit par instant, sur des répliques de Pierre Richard très bien habillée par le bonhomme, au demeurant toujours aussi fin et joueur. Alors évidemment ça fait plaisir de constater les dégâts que génèrent dans un foyer un papy, à commencer par ce couple qu'il sens dessus dessous, ce gamin qui l'ouvre aux joies de l'internet ou encore cette femme de ménage qui se sent en forte concurrence au moindre repassage à faire. Un espace pour deux, oui mais pour combien de temps ?

Sara Forestier et Lambert Wilson. TFM DistributionLambert Wilson ira faire la cour à une « bourgeoise », comme il dit, afin d'assurer le succès du feuilleton journalistique dont il est l'heureux imbécile de coordonnateur. Un jeu stupide où une famille non triée sur le volet, se voit gagner un joli lot : un vieillard tout entier pour elle toute seule, moyennent une promesse de 100.000 euros au bout d'un an si tout se passe bien. L'occasion pour Thomas Gilou de se moquer d'un journalisme nauséabond, celui de l'actu montée en épingle et des impératifs non plus de qualité mais de rentabilité. Et puis Gilou ne se prive pour employer en Pierre Richard le parfait trublion qui fera paraître au grand jour les vices de tout un chacun. Assez facile quand on voit ce drôle de vieillard...qui n'en est pas un tout-à-fait, ou si peu.

Pierre Richard. TFM DistributionPierre Richard frise la correctionnelle avec tout le monde, à commencer par ce journaliste (Lambert Wilson) dont il sait désormais tous de ses facéties avec la dame qui accepte de l'accueillir (Clémentine Célarié), sans oublier ce mari trompé, ce gamin espiègle ou cette jeune stagiaire, auxquels il ouvre les yeux sur bien des choses. Un rôle à la mesure du côté roublard apparent de Pierre Richard qui ne force pas trop, bien qu'on en attendait sauvagement plus en matière de saloperies en tout genres. Tant pis. Mais c'est à l'image de tout le film finalement : croustillant de promesses mais qui laisse un arrière-goût de ramolli. Thomas Gilou balance quelques clins d'œil sur certains travers de nos vies intimes, avec une comédie légère tout public et multi-générationnel qui, bien qu'ayant les arguments pour faire un tabac pendant ces tristes soirs d'automne, risque tout de même de rester un peu léger pour ne pas s'oublier aussi vite que Pierre Richard a conquis son monde ! Victor est tout simplement conçu pour enthousiasmer un public plus ancien. Et dire que Pierre Richard a été obligé de se vieillir devant la caméra et ralentir ses mouvements pour paraître crédible... A noter que Sara Forestier a gardé son côté "bouffée d'air frais", et qu'elle mériterait certains rôles bien plus consistants que dernièrement dans Le Parfum : histoire d'un meurtrier ou ce Victor.



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Un Prophète (Jacques Audiard -sept2009)

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UGC DistributionLe projet d'Audiard prouve définitivement que le Festival de Cannes ose assumer des choix politiques mais pas trop. Nous dirons que finalement, couronner un film étranger discriminant ou décrivant les tords d'une politique étrangère, c'est du domaine du possible pour les plénipotentiaires du jury de Cannes et ses directeurs organisateurs, mais que dès qu'il s'agit de critiquer la politique intérieure, on semble très vite prendre ses clics et ses claques. Or, Un Prophète est bel et bien la vraie Palme d'Or de Cannes 2009, nous l'appellerons alors Palme officieuse de Cannes. Jacques Audiard délivre une force des plus rares en matière de cinéma du réel, à commencer par son choix artistique de reconstituer traits pour traits l'univers du monde carcéral, depuis l'embauche d' « acteurs qui jouent le vrai » (ex-détenus), jusqu'au réaménagement total d'une friche industrielle en prison. A partir de là, je crois que tout est dit : ce cinéma-là n'avait pas besoin, en plus, de révéler un talent d'acteur tel que Tahar Rahim ; mais c'est pourtant ce qui s'est passé...


 Pitch

Condamné à six ans de prison, Malik El Djebena ne sait ni lire, ni écrire. A son arrivée en Centrale, seul au monde, il paraît plus jeune, plus fragile que les autres détenus. Il a 19 ans.D'emblée, il tombe sous la coupe d'un groupe de prisonniers corses qui fait régner sa loi dans la prison. Le jeune homme apprend vite. Au fil des " missions ", il s'endurcit et gagne la confiance des Corses. Mais, très vite, Malik utilise toute son intelligence pour développer discrètement son propre réseau...


Tahar Rahim. Roger ArpajouUn Prophète c'est deux heures trente-cinq étouffantes et aveuglantes. Vous êtes très vite emprisonné. Ce jeune, frêle et naïf, est en véritable danger sur tous les points, mais on se rassure encore un temps, en se disant qu'il n'aurait pas dû en arriver là, notamment ne pas commettre ce qui lui valut une rétention à...la Centrale. Se dire qu'il aurait dû rebrousser chemin au moment de commettre la faute qui conduit, au regard du droit français, à l'incarcération. Mais le mal est fait, alors on se tait et on tente de respirer ce qu'il respire, voir ce qu'il voit, subir ce qu'il subit sans rien dire nous aussi. Pas facile. Mais tellement surpuissant en matière de cinéma !

Niels Arestrup et Tahar Rahim. Roger ArpajouOn sent Tahar Rahim faible, trop. On le voit déjà se faire détruire moralement, sans jamais ne pouvoir crier à sa place, sa détresse à d'autres qu'à des murs sans oreilles. Là où bien des réalisateurs se seraient contenter de filmer la déchéance fatale d'un jeune qui n'aurait jamais dû aller en taule parce que la prison peut tuer, Jacques Audiard supplante tout son monde, sans surprise évidemment, vu la force de réalisme qu'il parvient toujours à développer dans ses longs. Le cinéma d'Audiard ne se satisfait pas des conventions, des institutions ni des poncifs. Il n'y a pas de limites ni de carcans qui puissent résister à son regard, lorsqu'il a décidé d'engager un projet de film.

 

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Reda Kateb et Tahar Rahim. Roger ArpajouAudiard défriche devant vous le terrain, tout en maintenant l'horizon lointain à cruelle distance. Vous étouffez vous-aussi, dans ce Prophète, qui décide d'entrée de jeu de vous enfermer vous et tous vos poncifs dans cette prison, dans cette cellule, où dans cette cour. Stupeur et tremblements ! On vit avec ce jeune taulard, on respire l'air irrespirable de sa cellule, on réfléchit à sa place lorsqu'il est au-devant de choix inextricables, on bouffe sa merde, on subit les regards haineux et les menaces qu'il prend dans la tronche, on ne vit plus nous non plus. On subit !

Tahar Rahim. Roger ArpajouSe confronter à une telle œuvre qu'Un Prophète, c'est devoir résister à la décharge d'hémoglobines, ne pas se bander les yeux lorsque les nœuds du film s'offrent à vous (violence morale ou physique), c'est en clair, devoir accuser le coup pour mieux repartir. Toutes mes extrapolations sur le fonds de l'œuvre cessent désormais, c'est à vous d'aller le voir. Maintenant, ce qu'il faut absolument marquer noir sur blanc, c'est Tahar Rahim. Une véritable révélation !

Gilles Cohen, Niels Arestrup, Jean-Philippe Ricci et Antoine Basler. Roger ArpajouInutile d'en dire long sur l'avenir de Tahar Rahim. Ce parfait inconnu est foutu en branle totale par Jacques Audiard. Quand Rahim arrivait dans la prison reconstituée, pour tourner, je le vois très bien mettre tout de côté pour se livrer corps et âmes au scénario d'Audiard. Jacques Audiard avait su afficher les limites d'acting de Romain Duris au-delà desquelles celui-ci paraissait transcendant (De battre mon coeur s'est arrêté). Magnifique ! Voilà qu'Audiard déniche et présente Tahar Rahim, avec une réussite qui subjugue. Ce jeune homme est dans une subtilité qui fait les grands face caméra : son côté frêle se confond avec sa force dégagée. Les yeux persans à la pupille ronde comme un calot. Tahar Rahim. Roger ArpajouLe visage bourré de traits d'interprétation qui suggèrent et affichent diverses sensations ou sentiments, Tahar Rahim est déjà grand ! Il a osé accepté un rôle dans lequel, d'entrée de carrière, il doit se mettre à nu. Il le fait avec une telle force qu'il est évident qu'il est la révélation 2009. Tahar Rahim est attendu au tournant de mon côté, bien qu'il ait tout prouvé ici, et que malheureusement pareil rôle ne se renouvellera plus. Tout simplement parce que Jacques Audiard et Tahar Rahim réalisent du très lourd derrière et face caméra. La Palme d'Or, c'est Un Prophète, à tous les niveaux d'un projet cinématographique.

 

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Tahar Rahim. Roger ArpajouIl faut finir sur l'atmosphère de ce film, longue d'angoisse, puissante de torpeur, noire de réalisme ! Cette atmosphère ne serait plus grand chose si les prestations d'ensemble des acteurs n'étaient pas aussi probantes en matière de ressentis. Outre Niels Arestrup, qui perfore la pellicule à chacune de ses interventions, de par son regard habité et son charisme, il faut saluer l'immense réussite du réalisme suintant à chaque plan, chaque séquence, qui est permise par des « acteurs qui jouent le vrai » ! Jacques Audiard n'a pas seulement reconstitué une prison avec ses matons, ses prisonniers, son atelier et ses douches. Non ! Il a réuni plusieurs anciens détenus qui tout autant que les deux rôles-titres, transcendent la caméra. Jacques Audiard a su diriger ses hommes de bout en bout de ce long film sans pauses ni bouffées d'air pur, proposant au public féminin de confronter leur sens moral à l'absurdité d'un monde qu'elle ne connaîtront jamais, imposant aux hommes un monde où ils doivent mettre de côté leurs couilles pour rebondir.

 



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En direct du festival du Croisic, De la Page à l'Image...

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Je couvre pour vous, le festival croisicais De la Page à l'Image, qui a pour président du jury cette année, M. André Téchiné en personne, après Jean Becker l'an dernier et Claude Chabrol en 2007. Ce festival de cinéma est atypique : il met en compétition six films qui sont des adaptations littéraires à l'écran. Au programme de ce blog : les critiques de Victor, Mademoiselle Chambon, Le Dernier pour la route, et d'autres, avec dès que possible les échos du festival, notamment un compte-rendu des prises de parole des réalisateurs, producteurs qui concourent, l'interview de André Téchiné et quelques clins d'oeil...


Stéphane Brizé raconte son projet Mademoiselle Chambon

Stéphane Brizé a été pour le moins surpris du punch des questions posées par les Croisicais. C'est ni en Bretagne, ni tout-à-fait isolé en front de mer, mais ses habitants gardent effectivement un sacré caractère, cela s'est vu dans les questions posées à un réalisateur qui ne s'est pas laissé déstabilisé pour au contraire, donner certaines précisions que personne jusqu'ici n'a publié. Il faut un début à tout.Le réalisateur Stéphane Brizé. TS Productions / Michaël Crotto

A propos de Ron Howard...
Stéphane Brizé : « Le projet Mademoiselle Chambon, c'est trois ans et demi de ma vie. D'abord, suite à la lecture du livre de Eric Holder, je voyais tout de suite l'acteur italien Pierfrancesco Favino dans le premier rôle. Il était d'accord encore en mars 2008, et en avril, drôle de nouvelle, j'apprends qu'il s'est engagé pour Anges & Démons, sur le tournage de Ron Howard. Ok, bon je change mon fusil d'épaule et pars à la recherche d'un autre acteur. Je voulais une présence, un charisme. Je l'ai trouvé avec Vincent Lindon. S'ensuivait un chamboulement dans ma tête : l'actrice initiale qui devait aller très bien avec l'acteur italien, star dans son pays, connu chez nous pour avoir campé le Libanais dans Romanzo Criminale, a été abandonnée. Il me fallait une autre actrice qui aille parfaitement avec ce que pouvait dégager Lindon. Sandrine Kiberlain a été parfaite.»

Sandrine Kiberlain est capable de pareil rôle, mais...

Stéphane Brizé : « Sandrine Kiberlain c'est du sûr. Ceci dit j'ai été dans l'obligation de lui demander de rester dans la vérité, de ne pas faire ce qu'elle fait à la perfection, c'est-à-dire ironiser dans ses répliques. Il me fallait autre chose. De même pour Aura Atika, j'avais de tout en terme d'interpréation, alors quand je voulais l'épouse par exemple, je disais à Aure : « Aure, je veux la Aure Atika gentille, là ! ».

Le livre de Eric Holder est-il respecté ?

Stéphane Brizé : « Mademoiselle Chambon est comme tout livre qu'on adapte. On doit se l'approprier. Alors ce n'est plus tout-à-fait Holder, mais c'est plutôt ce que m'a inspiré son livre. Il y a moins cette proximité physique entre les acteurs (il répondait à un reproche sur l'aspect plus physique de la relation entre les deux protagonistes principaux chez Holder). Il y a des choses que j'ai abandonné en cours de route : par exemple la relation amicale qu'avait entre elles Aure et Sandrine. Il fallait abandonner car cela donnait une Atika qui dominait le personnage de Kiberlain, en tant qu'épouse qui sent les choses, et une Kiberlain qui devait interpréter la femme qui dupe. Cela ne fonctionnait pas alors quand j'ai dit à tout le monde qu'on abandonnait cette scène, qui représentait une dizaine de pages du livre, ça a dérouté. Alors j'ai trouvé la solution tout de suite, c'était clair dans ma tête : Lindon devrait dire à son amante que sa femme va avoir un enfant...»

Stéphane Brizé était attendu au tournant pour ma part. Après un Je ne suis pas là pour être aimé réussi, une raison supplémentaire m'a poussé à considérer son film comme quasiment immanquable : la présence sulfureuse de Vincent Lindon, l'acteur physique par excellence. Mais en fait, comme vous le verrez dans ma critique, j'ai ressenti quelque chose de très fort aussi de la part de Sandrie Kiberlain. Autre chose sur laquelle je reviendrai : Stéphane Brizé confirme et surpasse même la technicité qu'il avait démontré dans Je ne suis pas là pour être aimé. Comme s'il s'était étoffé toujours encore.



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Who's that knocking at my door (Martin Scorsese -1967)

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Solaris DistributionMartin Scorsese se révèle dans Who's that knocking at my door, en 1967. Un style visuel et sonore avant-gardiste pour l'époque, qui seront les atouts maîtres d'un grand du cinéma. En cette époque, son projet artistique est réellement en avance sur les cinéastes de son temps. L'histoire reste sordide et subit les limites du financement du film : elle est limitée à de la micro-histoire. Mais c'est d'autant plus un moyen pour Harvey Keitel de montrer ce qu'il a dans le ventre dès son premier rôle. La naissance de deux grands, voilà ce qu'est Who's that knocking at my door.

Pitch

Petite frappe du quartier italien de New-York, J.R. Décide de se poser pour épouser la femme qu'il aime. Il apprend que celle-ci a été violée quelques temps plus tôt et il est bouleversé du tout au tout.


Harvey Keitel et Susan Wood. Solaris DistributionLa ressortie nationale, le 10 juin 2009, de ce film majeur de Scorsese, celui de ses débuts, permet de retrouver sur toile et dans l'ambiance d'une salle obscure, une palette talentueuse et avant-gardiste. Martin Scorsese fait avec ses moyens, mais il le fait bien. Son film avait de quoi envoyer les films contemporains à l'état de reliques d'un temps ancien. Ralentis, accélérations, arrêts sur image, le tout illustré par des musiques préexistantes qui ont elle-mêmes une histoire, … Scorsese fait fort, ravit les yeux et les papilles. Notamment dans cette scène phare, où l'enfant des rues devenu homme, illusionne sur un banc, cette blonde Susan Wood, pour lui parler cinéma et à travers lui, lui communiquer ses sentiments. La belle est conquise. Scorsese en profite tout du long, pour mêler des inserts, faire tournoyer sa caméra autour d'un phénomène amoureux en pleine naissance, ou bien pour faire de ce banc l'objet de tout un bonheur de vie. Harvey Keitel et Susan Wood. Solaris DistributionEt puis, à l'image de ce qui découlera de cette rencontre, l'histoire restera fixée autour de ces deux êtres jusqu'à l'épuisement, tandis que techniquement, Scorsese se sauvera la face en cumulant les effets de style hors-normes pour l'époque, comme pour mieux habiller une histoire qui reste et restera « petite » de bout en bout. La fin faisant comprendre qu'il n'y a rien à juger de tout cela, que c'est une histoire comme une autre. En tout cas une de ses histoires urbaines que Scorsese a effectivement connu de très près, dans le quartier italien de New-York.


Martin Scorsese. Solaris DistributionCinéma du réel, mais avec des artifices qui l'enrobent de facticité, Who's that knocking at my door, reste l'archétype de ce dont est capable techniquement, Martin Scorsese, car dans le fond cela restait à démontrer. Et il est capable de beaucoup. Toujours est-il que Harvey Keitel se révèle avec audaces, car mis en valeur par une certaine caméra virevoltante de Scorsese, quand elle n'est pas muette, campant par exemple sur le faciès anguleux d'un Harvey Keitel qui ne cessera pas, malgré les exceptions, de camper des rôles de bad boy. Quoiqu'ici, Keitel obtient pour son premier film, un rôle simple et humain de prime abord, qui évolue ou plutôt recule tout au long de l'histoire. L'occasion pour Keitel de montrer son talent, dans un rôle évolutif, bien que tout ne se passe que dans l'oralité, l'emportement, l'intonation. Ses interprétations et manières ne sont pas aussi talentueuses (et elles le resteront), que la technicité démontrée par Scorsese. La technique oui, le fond non. Une révélation pour Scorsese, oui, et pour Keitel dans une moindre mesure, oui. Mais le fond, bien que cherchant à mettre sur un même plan la femme souillée et un homme pouilleux, n'assumera pas jusqu'au bout toutes les attentes qui naissaient de chaque plan scorsesien. Tout ça pour ça, pourrait-on se dire, avec exaspération. Mais le spectacle en était un vrai, merveille de technicité qu'il est, et de mise en scène.



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