Rien à déclarer (Dany Boon -fév.11)
On saluera la presse, pourtant spécialisée, pour globalement décrédibiliser Rien à déclarer, parce qu'il s'agirait d'un bon surf sur une bonne vague nordiste, signé du même homme, Dany Boon, et aussi parce qu'en France, on aime désacraliser ceux qui nous rendent une longueur d'avance. La bonne réponse anticipée de Dany Boon, c'était sur Canal +, le soir de première nationale : « On a fait moins bien que les Ch'tis, mais on fait mieux qu'Avatar. » C'est dire que la comédie française, quand elle est bien faite tire le cinéma hexagonal vers le haut. Il faut le reconnaître et au contraire ne pas renier ce qu'on sait faire de bien en France.
Pitch
1er janvier 1993 : passage à lEurope. Deux douaniers, lun belge, lautre français, apprennent la disparition prochaine de leur poste frontière situé dans la commune de Courquain France et Koorkin Belgique. Francophobe de père en fils et douanier belge trop zélé, Ruben Vandevoorde (Benoît Poelvoorde) se voit contraint et forcé dinaugurer la première brigade volante mixte franco-belge. Son collègue français, Mathias Ducatel (Dany Boon), considéré par Ruben comme son ennemi de toujours, est secrètement amoureux de sa soeur. Il surprend tout le monde en acceptant de devenir le co-équipier de Vandevoorde et sillonner avec lui les routes de campagnes frontalières à bord dune 4L dinterception des douanes internationales.
Il aurait été de bon ou de mauvais ton à l'heure actuelle, que d'associer Belges et Français dans un cocktail de poncifs. Car tout dépendait de la façon d'amener les choses. Alors que la Belgique vit des heures difficiles, le gros du travail de Dany Boon a été bien fait : les Belges ont adoré Rien à déclarer. Première sirène hurlante, en direction des opinions professionnelles françaises de Paris qui, faute d'avouer qu'elles ont souri voire ri, affiche haut en couleur un pseudo avis de douche froide pour Dany Boon. Deux semaines après les attaques d'avant-sortie, Rien à déclarer dépasse les 5 millions d'entrées !! Deuxième réponse aux critiques professionnels, donc, après celle anticipée de Dany Boon. Le bouche à oreille ne fait pas pâlir les intentions de venir en salles ! La presse spécialisée n'aurait donc plus de lecteurs ?
Dany Boon n'a pas fait les choses à moitié. Quoi de mieux que d'associer François Damiens et Benoît Poelvoorde à cette histoire franco-belge ! Les deux sont des blockbusters comiques à eux tout seul. Capables d'attirer le public sur leur nom. Oui sauf que leurs mimiques, leurs postures, l'interprétation originale de leurs rôles, n'ont rien d'un « on prend son cachet et c'est nickel ». Non, les deux énergumènes, le premier piégeur de civils et bout-en-train indécrottable, le second icône de l'humour francophone depuis près de 15 ans, habitent leurs personnages avec leurs méthodes à eux : totales. Alors Rien à déclarer, à ne s'y point tromper, a de l'énergie comique à revendre. Se mange sans fin.
Avec un tel cinéma bout-en-train, Dany Boon parvient à pondre une improbable suggestion politique sur l'Europe. Celle qui nous réunit, européens, celle aussi qui se dessine de bureaux en bureaux, de paperasses en paperasses. Cette satanée 4L en guise de cheval malade de course pour deux douaniers, obtenue sur des fonds européens symboliques ! Un passage à l'informatique au milieu des années 90 pour que tout aille plus vite vers les organismes centralisateurs ! Mais surtout une atmosphère globale qui tient en fil rouge le spectateur : voyez comme l'Europe rapproche et non le contraire. Évidemment c'est ce fil qui risquait de rompre : le monde des bisounours qui supplante un monde de poncifs, de casaniers ou de xénophobie -la peur de '' l' autre''- a de quoi rabaisser la copie vers le film populaire !! Et bien oui, Rien à déclarer est '' populaire '' mais tant que les populations locales s'y retrouvent, et c'est le cas, il est vain que Paris se mette à déplorer ce qu'il est incapable de mettre à l'écran : un foutu et sincère cinéma du vivant !
A y regarder de plus
près, Rien à déclarer voit un rôle féminin belge interprété
par une
Belge : la plus que visible Julie Bernard, à la
partition harmonieuse. Philippe Magnan s'amuse avec sa palette
d'acteur de théâtre lui ayant permis d'incarner Mitterrand dans
L'Affaire Farewell sans aucun problème. Mais que fiche-t-il dans
cette comédie ? Nous avons aussi un casting franco-belge à majorité
belge. Mais pourquoi ont-ils tous donné leur crédit au Français
Dany Boon ? Cela aussi c'est troublant, pour une comédie qui serait
soi-disant ratée... Dany Boon s'affirme encore comme metteur en
scène, depuis le casting jusqu'à la joviale carte blanche donnée à
chacun de ses acteurs. Karin Viard ne pouvait pas ne pas incarner
cette ténardière du bar du coin par exemple, pareil pour Bruno Lochetavec son incarnation d'un naïf sympathique.